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désirer que la belle valeur guerrière fût utilisée sur les chemins de Constantinople.

Le nombre est donc aujourd’hui du côté des Alliés, et non pas le nombre brut, un total humain, mais le nombre organisé, armé, outillé pour la lutte décisive. Car il ne s’agit pas seulement dans cette formidable guerre de la supériorité numérique. L’arithmétique ne perd jamais ses droits, mais elle ne suffit pas. Toutes les sciences collaborent à l’œuvre guerrière par les forces incomparables de destruction qu’elles ont fournies à l’art de la guerre.

La supériorité numérique doit être soutenue par la supériorité du matériel. Elle serait impuissante contre un adversaire disposant d’un outillage plus meurtrier. Et cette guerre nous a donné encore de ce côté des surprises extraordinaires.


Les Allemands avaient cru aussi s’être assuré la supériorité du matériel perfectionné. De même que le vieux de Moltke avait transformé les méthodes de guerre en 1866 et en 1870, en adaptant les chemins de fer, la télégraphie et les canons Krupp à la stratégie des grandes armées de plusieurs centaines de mille hommes, de même l’Etat-major de Berlin, qu’il avait dirigé jusqu’à sa mort, avait appliqué aux millions d’hommes, qu’il comptait mettre en ligne, les sensationnels progrès du machinisme scientifique qui avaient marqué la fin du XIXe siècle et le commencement du XXe. Toute l’industrie allemande était mobilisée et organisée en vue de la guerre, et l’on sait à quelle puissance de recherche et d’organisation était arrivée cette industrie dans toutes les branches : métallurgie, physique, chimie, transports, etc. L’Allemagne, prenant son bien partout où elle le trouvait, démarquait et exploitait les idées et les inventions des autres pays, les réalisant au double profit de sa richesse économique et de la conception pangermaniste.

Nous n’avons rien à apprendre aux lecteurs de la Revue sur tout ce travail d’avant-guerre préparatoire à la victoire qui a caractérisé dans le monde entier l’action allemande à partir de l’avènement de Guillaume II. Il y a même encore aujourd’hui quelque chose d’incompréhensible dans le fait que cette Allemagne, qui semblait conquérir le monde commercialement et économiquement par le seul jeu de ses forces d’organisation et d’expansion,