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divisions dont la plus grande partie provenait du front russe. Et on peut remarquer que si l’offensive contre les Russes a pu embrasser, grâce au concours des Autrichiens, le vaste ensemble du front oriental, l’offensive récente contre le front occidental a dû se restreindre au secteur de Verdun et n’a pu être soutenue, comme le commandait la doctrine courante, par des attaques dans les autres secteurs.

Nous pourrions ajouter d’autres considérations, non moins valables, sur le déchet de la valeur combative produit par l’usure des cadres, particulièrement sensible dans l’armée allemande, où les officiers constituent une caste aristocratique recrutée sur elle-même, fermée aux sous-officiers en temps de paix. Mais ce serait dépasser le cadre de cette étude, et le sujet vaudrait à lui seul un article, car cette guerre a donné, sur la formation et la valeur des cadres, les démentis les plus imprévus aux idées reçues et aux vieilles routines dans tous les Etats belligérans.

Il résulte de ces considérations forcément sommaires que la suprématie numérique des Austro-Allemands, qui paraissait indiscutable en août 1914, plus encore par suite de leur longue préparation et de la surprise de la Triple-Entente que par la comparaison des chiffres totaux des mobilisés de part et d’autre, a été profondément et irrémédiablement abaissée.

Les mêmes considérations, en ce qui concerne les pertes et déchets, s’appliquent naturellement aux Alliés, mais avec cette différence, très étrange, que les Alliés n’ont pas mis en ligne, au début de la guerre, comme les Allemands, tous leurs effectifs mobilisables, pour diverses raisons dont la principale fut cette surprise dont ils faillirent être victimes, en pleine illusion pacifiste. Seule la France, mieux préparée, malgré les imprévoyances de certaine politique, mobilisa toutes ses forces. La Russie, gênée par sa vaste étendue et par une réorganisation inachevée à la suite des revers d’Extrême-Orient, ne pouvait mobiliser et armer que successivement, avec de grands écarts de temps, ses masses énormes. L’Angleterre, qui avait mis toute sa confiance dans sa flotte et dans son splendide isolement, n’avait qu’une armée coloniale, dont quelques divisions seulement étaient disponibles pour aller sur le continent. Ainsi les trois grandes Puissances alliées, dont la population dépassait 200 millions, sans compter les colonies,