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De cette offensive générale, en effet, personne ne doute, et l’aveu des Allemands est significatif. On se rend compte qu’il y aura un moment où se manifestera la rupture d’équilibre, où les Alliés, ayant enfin acquis la supériorité de toutes manières, se résoudront à donner d’un cœur égal l’assaut suprême.

Mais il semble qu’on ne s’entende pas encore complètement sur les conditions et sur l’époque de cette offensive générale ; et cette incertitude pèse sur les esprits et obsède l’opinion publique. Il est difficile et même délicat de préciser ces conditions et surtout la date où elles seront réalisées. Les gouvernemens et les chefs militaires possèdent seuls tous les élémens du problème et de sa solution. Mais certaines données sont à la portée de tous et peuvent être discutées avec la réserve qui convient. La Revue nous a demandé de les présenter à ses lecteurs. Nous allons l’essayer, aussi modérément que possible.

En somme, la condition essentielle de l’offensive générale est d’avoir la supériorité sur l’adversaire, mais une supériorité telle que le résultat, c’est-à-dire la victoire, ne laisse aucun doute et amène la fin de cette effroyable guerre au gré des Alliés. Or, les facteurs militaires de cette supériorité restent toujours : le nombre, le matériel, la méthode stratégique, l’ascendant moral.


Cette quadruple supériorité, l’Allemagne l’avait, ou croyait l’avoir en 1914, quand la politique impériale a déchaîné la tourmente ; l’événement n’a pas répondu à son orgueilleuse confiance. La victoire de la Marne a fait passer les chances de vaincre d’un camp dans l’autre. La guerre s’est prolongée très au delà des prévisions de l’État-major de Berlin. Après vingt et un mois de lutte sans répit, l’usure réciproque des forces en présence a produit ses effets, en particulier sur le nombre ; mais elle atteint aussi les autres sources d’énergie : la production du matériel, les réserves d’argent et de vivres de la nation, la qualité des combattans et la résistance morale des peuples. Il n’y a pas de doute que l’Allemagne et ses alliés et complices souffrent de la prolongation des hostilités plus que les Alliés. Et on a pu émettre cette sorte de paradoxe qu’à la longue les forces alliées