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Alliés, et que la crainte d’une offensive générale le laisse incertain sur sa propre résistance ? Quelles raisons stratégiques ou morales ont prévalu pour choisir le point d’attaque sur le front occidental, et prendre pour objectif Verdun ? Et l’on sait avec quelle puissance, avec quel acharnement l’entreprise de Verdun a été poursuivie !

Il a été répondu à toutes ces questions dans la Revue du 1er mai par l’éminent critique militaire qu’est M. Bidou. Nous ne retenons, pour le développement de cette étude, qu’une seule de ces interrogations : les possibilités de l’offensive générale des Alliés. Et tout de suite nous constatons qu’à vouloir les déjouer à l’avance, si tel a été l’objet des dernières opérations, les Allemands n’ont pas hésité à prendre à partie, dans un effort qu’ils ont poussé à l’extrême limite, non pas les Anglais si détestés pourtant, non pas les Russes, mais nous, Français. Nous les en remercions. Ils ont montré ainsi une fois de plus le cas qu’ils font de la France. Une défaite, même partielle, de nos armées, et entre autres la prise de Verdun dont le nom a gardé un singulier prestige en Allemagne, aurait eu un retentissement considérable. Leur courte psychologie, toujours préoccupée de l’effet immédiat, en eût abusé aussitôt sur l’esprit des Neutres. On ne peut vraiment croire que l’État-major de Berlin ait été assez naïf pour s’imaginer qu’il aurait brisé le front français, et ouvert par Verdun une brèche assez large à une nouvelle ruée de ses troupes sur la route... de Paris. Il est douloureux de penser qu’en France quelques esprits timorés s’en soient émus jusqu’à l’angoisse. Mais passons !

La bataille de Verdun est donc à la fois un échec d’une portée considérable pour l’Allemagne et un nouvel hommage éclatant rendu par ses chefs militaires au rôle que joue la France. Ils sentent de plus en plus quelle est la grande force morale de la coalition et que les vainqueurs de la Marne restent toujours les garans de la victoire européenne.

La bataille de Verdun, par sa durée, par les sacrifices qu’elle a coûté de part et d’autre, par le trouble qu’elle a pu apporter dans les projets et les prévisions des Alliés, serait-elle de nature, comme veulent le faire croire les Allemands, à affaiblir la force offensive des Alliés et à éloigner les probabilités de l’offensive générale qui doit décider de l’issue de la lutte ?