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des hélices, des gouvernails, des blindages perfectionnés. L’un d’eux, ancien oberleutenant prussien, Philippe Krüger, est venu de Silésie à Paris pour exhiber une lunette marine qui indique instantanément la distance à laquelle se trouve un objet éloigné. Il s’excuse de ne pouvoir se présenter à l’audience parce qu’il est malade. Il envoie sa photographie et y ajoute ces mots : « Monsieur le chef du Cabinet... Aide-toi, le ciel t’aidera... Ce sont ces mots qui forcent le soussigné de vous attaquer par les lignes suivantes. C’est hardi naturellement, mais je serais si heureux de pouvoir peindre clairement ma situation. Cela est difficile, car il n’est pas convenable d’écrire si longuement à de hautes personnes en mauvais français. Je n’étais pas préparé à un tel long séjour à Paris et, pour la première fois de ma vie, j’avais faim. Les sacrifices de ma noble sœur m’ont sauvé jusqu’ici. » Il ne se plaint cependant pas des difficultés qu’on lui oppose. « Le ministère français n’est pas obligé de faire parfaite une invention imparfaite, notamment pour un étranger... Si je m’adresse à vous, c’est parce que je sais que vous êtes un homme d’esprit qui ne vit pas pour son plaisir seulement. Aussi, j’ai fait une enquête sur votre personne, et ce que je dis est très franc. On m’a dit des deux parties le même mot : « C’est un brave homme. » Parce que nous avons en allemand l’expression braver Mann, j’ai lieu de croire que c’est la chose dont j’ai besoin. » En fin de compte, il reçoit et accepte cinquante francs... Combien lui succèdent et qui offrent de précieuses découvertes pour ferrer les chevaux, tripler les produits agricoles, augmenter la rapidité du tannage, clarifier l’eau, conserver la viande, sauver les vers à soie, fabriquer de la glace, faciliter la navigation aérienne, former une nouvelle pile voltaïque et un moteur à mouvement perpétuel !... Et c’est toujours la même antienne : des secours ou des fonds pour réaliser tous ces prodiges !

C’est à qui s’ingéniera ensuite en Allemagne à guérir l’Empereur, dès qu’on apprend qu’une maladie quelconque l’a frappé. L’un propose des bains aromatiques, aux feuilles de pin, aux feuilles de ronces, à la camomille et même aux œufs de fourmi ; l’autre, la fleur de soufre, le savon blanc, la morphine ; celui-ci le vin d’Ahr, celui-là un régime de grogs et enfin des moyens magiques. Est-ce tout ? Non. L’imagination allemande est plus étendue qu’on ne le croirait. Des limaçons en poudre, du raifort pilé, des gouttes de Harlem, des frictions de pétrole, que sais-je ?...