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n’aura été plus utile pour rabaisser la morgue et l’orgueil de nos ennemis. C’est par André Lavertujon, secrétaire de la Commission nommée le 4 septembre 1870 et ancien sénateur, que j’ai connu ces pièces, dont Henri Bordier, ancien bibliothécaire de la Bibliothèque nationale, avait le premier formé un dossier important, édité chez Beauvais en 1872.

Les dossiers contenaient plus de deux mille lettres, sans compter celles qui ont disparu dans l’incendie des Tuileries, et celles qui peuvent se trouver encore aux Affaires étrangères ou dans les Archives de chancellerie qui en dépendent. M. Bordier se félicitait d’offrir en bloc aux chercheurs et aux philosophes une abondante moisson d’élémens psychologiques sur l’Allemagne contemporaine. Il leur laissait le soin de les analyser, de les critiquer, d’en tirer parti, mais je puis affirmer, si étonnant que cela soit, que ces documens, publiés en dehors de l’édition officielle, passèrent presque inaperçus.

Je voudrais bien savoir si l’on pourrait trouver aux Archives de Berlin, impériales et royales, des lettres similaires de nos compatriotes qui, la main tendue pour réclamer de l’or et des faveurs, se seraient prosternés devant le roi de Prusse ou l’Empereur allemand ? Si elles y étaient, il y a longtemps qu’elles seraient publiées. J’ai mis en œuvre avec soin les documens que nous devons aux recherches de Bordier et André Lavertujon et l’on verra ce qu’il faut penser des affirmations audacieuses de M. de Bismarck qui, le 7 décembre 1871, déclarait que le sentiment de la justice était éteint en France, tandis que celui du droit et de l’honneur restait incarné dans l’âme du peuple allemand.


Commençons immédiatement notre étude par les petits quémandeurs, puis nous continuerons par ceux qui appartiennent a des classes plus élevées, et enfin nous arriverons aux sommités allemandes, comme bouquet de ce véritable feu d’artifice.

Et d’abord, voyons les inventeurs. Ceux-ci sont légion. Combien s’adressent à Napoléon III pour lui expliquer leurs systèmes, implorer ses critiques, demander des audiences et finalement son appui et surtout de l’argent ! Combien lui écrivaient pour lui soumettre des idées nouvelles sur les canons et les fusils, les projectiles, les lance-feux, le coulage des balles, les fusées incendiaires, l’utilisation des miroirs d’Archimède,