sa chère petite poupée Libye, sur son cœur. Et le Prussien lui dit : « Bu ! Bu ! Bu ! tu vois comme il est méchant ? Si tu n’es pas gentille, il mangera ta poupée. » Mais l’Italie n’a pas eu peur de la menaçante baudruche et tous ses crayons satiriques, maintenant, sont tournés contre l’Allemagne. Un des plus acérés est celui de l’Asino, de Rome. Il a parfaitement retracé, en quatre tableaux, la folie mégalomane qui a déchaîné cette guerre. Cela s’appelle les Discours du Kaiser en 1915. Dans le premier tableau, on voit un grand Kaiser et un tout petit Père Eternel, enchaîné à sa fortune, tenant dans sa main une petite boule, qui est le monde. Nous sommes au mois de janvier et l’Empereur, brandissant une épée gigantesque et sanglante, s’écrie : « A moi seul je déferai le monde ! » En mars, il ajoute : « Naturellement avec l’aide de Dieu » et son vieux Dieu allemand a un peu grandi. « Cela va mal : ce n’est pas ma faute ! » s’écrie-t-il, au mois de juin, en désignant le Père Eternel fort embarrassé du globe qu’il lui a mis sur les bras. Enfin, en décembre, le Kaiser est tout petit, estropié, le « vieux Dieu allemand » gigantesque et désolé : « C’est sa faute ! » crie le Kaiser... Hélas ! ce léger croquis de l’Asino, c’est l’éternelle attitude de l’homme en face de la Providence. Mais, ici, l’homme est si prodigieusement puissant et si manifestement coupable, qu’il ne peut se décharger sur la fatalité. Rien ne fut jamais moins fatal, rien ne fut plus délibéré, ni voulu, que cette guerre. Le hasard n’a aucune part dans cette régression vers la Barbarie. Les satires qu’on en a faites ne dépassent donc pas, d’un trait, la cruelle vérité. Elles resteront intercalées dans les pages de la grande Histoire. On y regrettera seulement l’absence de Goya, de Valdès Léal et de Daumier.
ROBERT DE LA SIZERANNE.