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en chœur : « Y a-t-il quelqu’un qui aurait vu Calais ? » L’Impérial Comique (c’est le nom irrévérencieux que le Punch lui donne) se dédommage avec l’empereur François-Joseph. « Comme nos armes font de bonne besogne ! » lui dit le vieillard, un peu titubant, et l’autre, redressant furieusement les pointes de ses moustaches : « En effet ! A propos, j’apprends que vous êtes en guerre avec l’Italie. Avez-vous des nouvelles de ce front ? » De même, le parti qu’a pris jusqu’ici la flotte allemande de ne point affronter la haute mer réjouit trop l’Angleterre pour que, dans le Tattler, le caricaturiste n’ait pas trouvé son symbole : c’est un bouledogue provocant d’une part, et, de l’autre, un chien enfoncé dans sa niche et qui n’ose sortir. Et le chien à la niche est l’Allemagne, et le bouledogue est l’Angleterre. Enfin, le sort des colonies allemandes est admirablement résumé dans ce dessin du Passing Show : nous sommes dans un bureau du ministère des Colonies, à Berlin ; la porte est fermée, le silence profond. Dans un fauteuil, dort paisiblement, la casquette enfoncée jusqu’aux oreilles, les mains jointes sur le ventre, un fonctionnaire sans fonction. Sur le mur, en effet, le planisphère, où l’araignée a suspendu son fil, porte de nombreuses étiquettes collées sur les colonies allemandes et portant ce mot : perdu. Il y a perdu sur Kiao-Tchéou, perdu sur le Togo, perdu sur la Nouvelle-Guinée et les îles de la mer du Sud, perdu sur le Cameroun, perdu sur le Sud-Ouest africain, en tram de se perdre sur l’Est-Africain... Partout, les araignées tissent leur toile, les rats rongent le tapis et font cent tours, la tapisserie se décolle et pend lamentablement. Le fonctionnaire ne se réveille pas pour si peu : c’est le sommeil heureux du bureaucrate, dont le droit au repos est désormais incontesté.

Les échecs diplomatiques de l’Allemagne n’ont pas moins excité la verve des Anglais que ses échecs militaires. Deux dessins du Punch, surtout, sont admirables et méritent d’être retenus. Le premier a trait aux négociations avec l’Italie, avant l’entrée de celle-ci dans l’Entente. Un bersaglier, qui accuse une vague ressemblance avec le roi Victor-Emmanuel, écoute distraitement et d’un air fort détaché les propos que lui tient le Kaiser, en le tirant par la manche. Ce kaiser vieilli, insinuant, réalise un extraordinaire type de ruffian et de louche entremetteur. Tout bas, — pour ne pas être entendu par un oiseau couronné