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désordres sanglans qu’on fomenterait dans une ou deux grandes villes. Voilà le plan que lui attribuerait mon informateur. C’est vraiment supposer qu’il n’y a plus de France ni plus d’Europe. Comme vous, je suis républicain à outrance ; c’est le seul salut possible, et ce sera la vengeance.

« On assure que le général Trochu est loin de désespérer ; vous devez savoir ce qu’il pense de la situation. Patience, espérance, tout est là ; l’horrible cauchemar où nous vivons prendra fin.

« Ma femme vous envoie ses plus cordiales amitiés. A vous plus que jamais [1]. »

Voici la réponse de F. Buloz ; elle est datée du 18 septembre, c’est une des dernières lettres qu’il ait écrites avant l’investissement :


REVUE DES DEUX MONDES
PARIS
17, rue Bonaparte, 17


Paris, le 18 septembre 1870.


« Mon cher ami,

« L’ennemi nous enserre de plus en plus, et nous voici bientôt bloqués. Pourtant, je persiste à dire que Paris fera une très bonne contenance, aura une grande vigueur, et que nous nous relèverons de l’abîme.

« Je voudrais aussi faire bonne contenance et que la Revue maintint sa situation. C’est pourquoi il faut que nos collaborateurs du dehors et des départemens nous prêtent un vif et ardent concours. Vous ne m’avez rien dit à ce sujet dans votre dernière lettre, et pourtant je compte tout à fait sur vous. Rassurez-moi sur l’époque où vous pourrez m’adresser votre manuscrit, qu’il faudrait me faire tenir par la légation suisse [2]. Chose singulière, la Revue va aussi facilement en Allemagne que par le passé ; ce sont les départemens envahis qu’il est difficile de servir.

« Nous avons reçu une lettre de Montégut qui, heureusement,

  1. Inédite.
  2. Ce manuscrit, qui était celui de la Revanche de Joseph Noirel, ne put être envoyé à ce moment. Le roman ne parut qu’en 1871, le 15 juillet, etc.