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là, le symbole qui résume le monstrueux accouplement que nous offre l’Allemagne : la science la plus avancée unie à la plus ancienne barbarie.

Cette barbarie est un des thèmes les plus ordinaires du caricaturiste anglais. Il estime qu’il suffit de la montrer pour provoquer, dans le corps social, la réaction nécessaire. Le Punch, de Melbourne, emprunte à Frémiet sa saisissante vision d’un gorille de l’âge préhistorique enlevant une femme, et sur le bras du gorille il écrit : Allemagne, et sur le bras de la femme il écrit : Civilisation. Edmund Sullivan, dans son album La guirlande du Kaiser, montre un soldat allemand embrochant un enfant au bout de sa baïonnette et le Kaiser lui-même, donnant le bras à sa fiancée la Mort, qui est en voile de mariée. Des cynocéphales leur jettent des roses et cela s’appelle Mariage de convenance. Des femmes et des enfans viennent d’être massacrés : c’est l’Arménie ; l’Allemand et le Turc tiennent encore le couteau sanglant à la main. Un troisième bandit s’approche : il porte les traits de Ferdinand de Cobourg : « Lorsque je suis venu en Bulgarie, je me résolus, s’il y avait des assassinats, à être du côté des assassins, » dit-il, dans le Punch. Pareillement, David Wilson, qui a fait toute une suite sur ce sujet, dans le Graphic, montre trois personnages : un Prussien, le fantôme du Brouillard et la Mort, qui vont de compagnie. Le Prussien quitte le continent et enfonce une de ses grosses bottes dans l’eau : il part pour quelque expédition. Le Brouillard le précède, le couvrant de ses voiles, la Mort le suit, en lui passant discrètement sa faucille. Il tient à la main une bombe pour les villes sans défense : c’est le raid sur la côte anglaise qui commence... Au loin, sur les plaines qu’il vient de quitter, disparaît la cathédrale de Reims. Et c’est intitulé : la Réelle Triple-Alliance.

La même horreur de la barbarie inspire les Alliés dans l’autre hémisphère. Dans le Bulletin, de Sydney, on voit le Kaiser trônant sur un amas de crânes desséchés, comme ceux que Veretschaguine peignait jadis, après la campagne de Plevna, pour inspirer l’horreur de la guerre. Derrière son trône, un squelette géant, armé du fusil et de la bombonne aux gaz asphyxians, le protège de son corps hideux. Devant lui, l’Épidémie, décharnée, couverte de pustules, suivie des figures mille et mille fois grossies des bacilles et des microbes, s’incline