Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette opinion de Mazade sur « la confiance nouvelle qui s’est réveillée et se proportionne au péril public, » c’est l’opinion de la Revue.

Chaque jour, comme dans les jours heureux, on se réunit près du vieux fondateur. On vient prendre « l’air de la maison, » connaître les nouvelles, les commenter, discuter à perte de vue sur les événemens, enfin l’aidera composer les numéros, souvent difficiles. Les fidèles sont là : Louis Vitet, Gaston Boissier et Perrot, Ernest Renan et Mézières, Mazade, Mignet, tant d’autres...

Cependant, la situation empirait ; la nouvelle des événemens de Sedan porta un coup mortel aux plus vaillans. F. Buloz accueillit avec satisfaction la République ; il pensait qu’elle sauverait la France, et, quoique ne se dissimulant pas le danger terrible que celle-ci courait dans cette aventure, il se reprenait à espérer.

Voici une lettre de Victor Cherbuliez du 11 septembre ; son opinion sur les Prussiens de 70, leur ambition colossale, leur Dieu, etc., on croirait cette lettre datée d’hier.

« Votre lettre, mon cher ami, m’a fait du bien. Elle me prouve que votre courage ne s’est pas laissé abattre, que vous êtes debout, à l’œuvre, comme la France. Et pourtant, que de coups frappés autour de vous ! Ce pauvre Montégut !

« Il est certain que, dans toute l’Europe, l’opinion se désabuse ou se réveille. En Angleterre, il n’y a qu’un cri pour demander au gouvernement une intervention active. Qui ne se sentirait menacé par cette colossale ambition, si peu soucieuse de dissimuler ses appétits ? Je ne serais pas étonné qu’au quartier général prussien, il n’y eût partage d’opinions et de sérieux dissentimens ; mais le roi Guillaume est ivre de ses succès, et sûr de son Dieu. Quelqu’un qui est souvent bien informé me disait hier que, pour le cas de pression active et menaçante, il ne traitera pas avec la République, ce nom le fait frissonner ; son premier exploit fut d’étouffer à Baden dans le temps l’insurrection républicaine. Selon le quelqu’un que je cite, l’idée du Roi serait d’imposer à la France l’Impératrice récente et Napoléon IV. Ce serait le seul gouvernement qui pourrait lui faire toutes les concessions qu’il désire. Il se plaît à croire que le paysan français mordrait à cet hameçon, qu’il serait facile d’obtenir de lui un nouveau plébiscite à l’aide de quelques