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contraire à tout droit. Ils se flattaient de le pousser ainsi à se faire ou l’instigateur d’une querelle inique ou le médiateur d’une paix impossible. Impossible, même s’il fût entré dans le jeu : de quelque respect que soit entouré et de quelque crédit que jouisse le Président des États-Unis, il y a des choses qui dépendent de M. Wilson et des choses qui ne dépendent pas de lui. Il ne peut, à lui seul, sur la prière de l’Empereur, décréter une paix que personne ne veut, tant qu’elle se présente comme la paix allemande, tant que l’Allemagne n’a pas appris que vivre, ce n’est point manger autrui. Rien n’est (quelquefois, du moins) plus habile que l’honnêteté. La droiture de M. Wilson l’a sauvé. Il a empoigné les deux branches du piège allemand, et il les a brisées entre ses doigts. Il prend l’Allemagne à son serment, attache à sa parole plus de prix qu’elle-même » met à l’impératif ce qu’elle a mis au conditionnel. C’est convenu, c’est juré : les sous-marins allemands ne s’attaqueront plus aux neutres » épargneront, ménageront les non-combattans ; l’Allemagne fera ce qu’elle doit faire, quoi que fasse tel ou tel autre gouvernement belligérant, et sans qu’elle ait à considérer ce que les États-Unis font ou ne font pas à l’égard de tel ou tel gouvernement : ils demeurent libres d’agir comme il leur convient, c’est l’Allemagne qui ne l’est pas de se conduire comme il lui plaît. « Sa responsabilité est personnelle, elle n’est pas conjointe, elle est absolue et non relative. » Nous voilà sortis de l’équivoque. M. Wilson a paré, il est gardé, il voit venir. Qu’est-ce qui vient ? Ou nous n’avons jamais été aussi près de la rupture, ou l’Allemagne n’a jamais subi une si complète humiliation. Son attitude va donner la mesure de son usure. Regardons bien le dynamomètre.


CHARLES BENOIST.


Le Directeur-Gérant,


RENÉ DOUMIC