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21 avril, le bruit avait été répandu à Amsterdam, pour être, de là, répandu à Londres, que sir Roger Casement venait d’être arrêté et emprisonné en Allemagne. Arrêté et jeté en prison, pourquoi ? Pour lui permettre de s’embarquer, en toute sûreté, à Kiel, ce même Vendredi-Saint, qui devait lui porter malheur. C’était, comme on le devine, le fin alibi, le plus fin qu’ait été capable d’inventer la police allemande ; et c’est un paraphe ajouté à la signature de ce beau travail. Mais, dans les plans de l’Allemagne, sir Roger Casement n’était qu’un instrument ; l’incursion des croiseurs et le raid des zeppelins n’étaient que des diversions ; sa machine infernale à triple détente ne manquerait pas de semer la révolution en Irlande, la panique en Angleterre, la prudence aux États-Unis.

De fait, le lundi de Pâques, 24 avril, le lundi des zeppelins et des croiseurs, pendant que, fidèle aux chères habitudes, tout le Dublin officiel était aux courses, éclatait un mouvement d’une violence foudroyante, qui dépassait l’émeute, et d’un coup allait aux extrêmes, à la séparation d’avec la Grande-Bretagne, à la proclamation de la République irlandaise, au comble des désirs profonds et passionnés de l’Allemagne. En un instant, les insurgés se sont emparés de l’hôtel des postes, des deux gares du chemin de fer, du Palais de justice, de nombre d’édifices publics et privés ; d’autres se sont enfermés dans la Bourse du travail, dans Liberty-Hall ; ils ont, auparavant, dressé des barricades et coupé les communications, si bien que les fonctionnaires, absens de la ville pour les fêtes, ont du mal à y rentrer. Dans les comtés, sur quelques points, des troubles se dessinent ; à Atheney, à Galway, en deux ou trois centres encore. Peut-on dire que c’est une surprise, et que rien n’avait permis de prévoir la rébellion ? Lord Middleton a affirmé le contraire, le lord-lieutenant ou vice-roi d’Irlande, lord Wimborne, l’a reconnu, et le secrétaire d’État pour l’Irlande, M. Birrell, ne l’a point nié. Il semble, en effet, que, depuis le commencement de l’année, les signes se soient multipliés. Le 5 février notamment, et le 17 mars, jour de la Saint-Patrick, à Dublin et à Cork, plusieurs centaines de « volontaires irlandais, » 1 600 ici, et là 1 100, paradent et défilent, armés, pour les deux tiers, de fusils, « du reste hétéroclites ; » ils font, de carrefour en carrefour, « une sorte de répétition de petite guerre. » Perquisitions et saisies d’armes, de munitions ou de manifestes, le 14 mars à Cork, le 22 et le 24 à Dublin ; le 27 mars, ordre d’expulsion contre trois organisateurs de la fédération des volontaires, antérieurement arrêtés ; le 16 mars, à Tullamore, le 31 à Dublin, meetings et conflits avec la police. Arrive le