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Lâches et féroces : toujours, décidément, ce sont les deux mots qui nous reviennent en tête, au spectacle de ces Allemands « décivilisés. » Et puis encore, avec cela, une fourberie à la fois si fuyante et si effrontée qu’elle aussi évoque en nous l’idée d’une race où ne subsiste plus aucun vestige de dignité « humaine. » Entre toutes les formes de la dépravation allemande, c’est même là, peut-être, la plus répugnante ; et l’on conçoit sans peine l’étonnement mêlé de dégoût qu’éprouve, devant elle, le professeur Morgan. Mensonge à tous les degrés de l’échelle sociale, depuis le soldat prêt à cacher sa traîtrise sous les sermens les plus solennels jusqu’à cet Empereur qui ose maintenant affirmer sans rougir, à la face du monde, qu’il « n’a pas voulu » la présente guerre ! Mensonge au fond de chaque parole du gouvernement impérial, à tel point que, suivant l’expression de l’éminent professeur anglais, « nul homme raisonnable et sans parti pris ne peut plus y croire si peu que ce soit. » N’a-t-il pas en effet, ce gouvernement qui ne cesse pas de se targuer de sa « loyauté, » n’a-t-il pas « falsifié à dessein des documens belges absolument anodins, de manière à en faire un grief contre la Belgique, » n’a-t-il pas « à plusieurs reprises rompu des engagemens contractés par lui vis-à-vis du ministère anglais et du Vatican, » n’a-t-il pas « sciemment, tous les jours, détourné de leur sens le plus manifeste les différens articles des conventions internationales où il avait souscrit ? » Une publication foncièrement allemande, éditée en Suisse pour tromper les pays neutres sur sa véritable origine, « et dont le titre même, — la Revue Internationale, — est déjà un mensonge, » n’a-t-elle pas reconnu expressément que « toutes les histoires de mutilation de soldats allemands, naguère activement propagées par les autorités allemandes, n’étaient en réalité rien d’autre que le produit d’une suggestion hystérique ? »


J’ai eu pour ma part, — ajoute M. Morgan, — l’occasion de collaborer avec les autorités françaises à la démonstration de l’entière authenticité d’un ordre émanant d’un général de l’armée allemande qui prescrivait à ses soldats de massacrer tous les blessés qui leur tomberaient entre les mains. Tout d’abord, cette authenticité avait été niée, de la façon la plus énergique, par le gouvernement impérial de Berlin : mais lorsque ensuite nos recherches l’ont établie sans l’ombre d’un doute possible, le même gouvernement a publié une déclaration affirmant qu’un ordre analogue avait été émis, une année auparavant, par l’un des généraux de l’armée anglaise, — excuse tout à fait mensongère, d’ailleurs, et qui jamais n’a pu s’accompagner du moindre semblant de preuve.

Mais, aussi bien, me paraît-il que les autorités allemandes souffrent