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« le nombre des criminels précoces, âgés de douze à dix-huit ans, avait presque doublé depuis l’année 1883. » Et voici ce que disait hier encore à un rédacteur du Daily Graphic un négociant danois, M. Torssen, qui venait de passer plusieurs mois à visiter diverses régions de l’Allemagne :


De tous les signes de démoralisation que j’ai observés pendant mon voyage, l’un des plus frappans est, à coup sûr, l’énorme progrès du crime. En temps de paix, la plupart des crimes étaient commis par des hommes d’âge adulte : mais aujourd’hui, bien que tous ces hommes se trouvent retenus sur le « front, » vous ne sauriez croire à quel point le meurtre, le vol et d’autres forfaits se sont multipliés, tout cela ayant désormais pour auteurs des femmes ou surtout de tout jeunes gens des deux sexes. Un magistrat de Munich, qui me signalait avec une inquiétude trop justifiée cet accroissement du crime pendant la guerre, ajoutait en propres termes ceci : « Notre bonne chance nous a, il est vrai, épargné jusqu’à présent les angoisses d’une invasion étrangère ; mais nous avons à l’intérieur un ennemi non moins terrible que celui du dehors, et dont la force grandissante constitue un grave danger pour notre vie nationale. » Les journaux allemands évitent autant qu’ils peuvent d’insister sur ce sujet, de manière à ne pas trop effrayer le public : mais le peu qu’ils sont contraints d’avouer suffit pour faire soupçonner l’extrême gravité de la situation. C’est ainsi que, par exemple, le Sud-Ouest de Berlin est tout rempli de cambrioleurs, et même la paisible forêt de Grünewald (le bois de Vincennes berlinois) sert maintenant de refuge à des bandes organisées de jeunes brigands.


Et comment ne pas regarder, aussi, comme l’indice d’un véritable retour à l’ « animalité » la conduite des autorités et de la population allemandes vis-à-vis de plusieurs centaines de prisonniers de guerre atteints d’une terrible épidémie de typhus dans le camp saxon de Wittenberg ? Nos journaux ont signalé brièvement, le mois passé, les conclusions du rapport officiel d’un comité d’enquête anglais sur cette suite nouvelle d’ « atrocités, » égale ou peut-être même supérieure en ignominie à toutes celles qui nous avaient été révélées jusqu’alors ; mais l’on ne saurait trop regretter qu’il ne se soit pas trouvé quelque moyen de placer et d’entretenir plus durablement sous les yeux du public français le texte entier d’un rapport dont chaque ligne aurait eu de quoi raviver dans nos cœurs la haine généreuse, — et nécessaire, — du « Boche. » Qu’on lise, par exemple, ce récit de l’arrivée à Wittenberg d’un groupe de six médecins anglais :


L’épidémie de typhus a éclaté en décembre 1914. Aussitôt tout le personnel militaire et médical du camp s’est retiré précipitamment : si bien