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ces « faits-divers. » Ou bien ce sont de très jeunes femmes, telles que la demoiselle Ullmann et son amie la dame Sonnenburg qui l’autre jour, à Berlin, ont égorgé une de leurs voisines, afin de pouvoir envoyer à leurs « hommes, » sur le « front, » l’argent qu’elles espéraient découvrir dans ses poches. Elles avaient invité leur victime, une ouvrière appelée Franzke, à venir prendre le « café au lait » dans le logement de l’une d’elles. « Après quoi, ayant installé la Franzke de façon qu’elle eût le visage tourné vers le mur, la fille Ullmann s’était mise à marcher de long en large derrière elle, avec un rasoir ouvert dans la main, pour être prête à lui couper la gorge au moment où l’invitée se pencherait sur sa tasse de café ; et puis, à ce même moment, la Sonnenburg avait pris le cou de la Franzke dans un nœud coulant, ce qui avait facilité le travail de sa complice. Mais comme la malheureuse ouvrière, malgré ces précautions, leur avait opposé une vive résistance, la fille Ullmann, lorsqu’elle avait enfin réussi à la tuer, s’était encore vengée sur son cadavre en coupant, avec le rasoir, l’un de ses poignets. Cela fait, les deux amies s’étaient soigneusement lavé les mains, et étaient revenues savourer à loisir leur café au lait. » Arrêtées au bout de quatre semaines par la police berlinoise, la fille Ullmann et sa complice ont avoué qu’elles avaient d’abord songé à se servir d’un revolver, et s’étaient longuement exercées à la pratique de cette arme. — Je cite ce cas entre vingt autres non moins caractéristiques, où l’on retrouverait, de la même manière, un mélange singulier d’inconscience quasi « enfantine » et de dépravation. Ne lisais-je pas, tout récemment, l’histoire d’un petit collégien saxon qui avait essayé d’assassiner sa propre mère pour se procurer le moyen d’aller contempler, dans les somptueux « cinémas » de sa ville natale, les exploits, — plus ou moins « truqués, » — de l’armée allemande ?

« D’année en année, — écrivait le fameux « sociologue » germano-américain Gustave Aschaffenburg, — le nombre des crimes s’accroît dans tout l’Empire allemand suivant des proportions absolument effrayantes même pour l’optimiste le plus invétéré. Et ce qui achève de prêter à ce phénomène social une gravité exceptionnelle, c’est que l’immense majorité des auteurs de ces crimes est faite de jeunes gens de toute condition. Dans toutes les classes de la société, nous assistons à une extension incessante, et toujours de plus en plus rapide, d’une pourriture morale contre laquelle notre système pénal se montre de plus en plus puissant, » Aussi bien le Manuel statistique de l’Empire d’Allemagne de 1907 était-il déjà obligé de constater que