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au Très-Haut d’accepter miraculeusement comme un premier essai de charité chrétienne ! Tandis que les Allemands, bien loin d’avoir mis fin à leurs « atrocités » après le fugitif élan de pitié d’une poignée d’entre eux, nous semblent au contraire s’acharner toujours davantage à réaliser le type absolu de la « barbarie. » De jour en jour notamment, — tout au moins jusqu’aux complications « diplomatiques » de ces dernières semaines, — leurs journaux nous ont apporté un témoignage plus manifeste de la passion croissante avec laquelle la masse entière du peuple accueillait et encourageait les exploits monstrueux de ses sous-marins ; et j’ai appris d’une source très sûre qu’après avoir naguère rejeté d’un commun accord, comme autant de mensonges outrageans pour l’honneur de leur nation, les relations des sévices pratiqués en Belgique et en Pologne par les troupes allemandes, une foule de bourgeois, d’ouvriers, et de paysans d’outre-Rhin en étaient arrivés maintenant à déplorer ouvertement qu’un excès de scrupule de leur maître impérial empêchât l’escadre bien-aimée de leurs zeppelins de procéder à l’anéantissement radical de toute la population civile de Paris et de Londres. C’est comme si, sous le choc d’une déception trop complète infligée soudain à ses rêves secrets de rapine et de domination, cette race naturellement brutale et sauvage avait reconnu l’impossibilité pour elle de s’accommoder plus longtemps d’une « civilisation » qui jamais, d’ailleurs, n’était parvenue à toucher les sources profondes de son être, — de telle sorte qu’elle ne songerait plus dorénavant qu’à en dépouiller jusqu’aux moindres vestiges !


Rien de plus significatif, à ce point de vue, que l’effroyable progrès de toutes les formes du crime, dans la vie allemande de ces années de guerre. Car il n’en a pas été de l’Allemagne comme de notre pays et de l’Angleterre, où c’est chose certaine que la tâche de la police et des tribunaux s’est trouvée sensiblement allégée depuis qu’une même angoisse patriotique a envahi tous les cœurs. Sans arrêt, au contraire, les « variétés » les plus abominables de l’assassinat et du brigandage ont continué à se développer parmi les rues de Berlin et des autres capitales ou grandes cités d’outre-Rhin. Jamais encore, je crois bien, la rubrique des « faits-divers » des journaux de là-bas n’avait été fournie aussi abondamment ; et c’est également dans ces journaux que j’ai lu à quel point les pouvoirs publics se montraient alarmés, en particulier, de la place considérable que tenaient les enfans, les jeunes garçons d’une quinzaine d’années, dans la liste des héros de