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depuis le départ de l’Empereur pour la campagne d’Italie en 1859… »

Faut-il s’en étonner ? F. Buloz ne subit pas le même enthousiasme ; il fut tout de suite accablé de tristesse à la pensée du sang français qui allait couler. Malgré cela, il eut, jusqu’au bout, confiance dans les destinées de sa Patrie, et crut, à chacun de ses revers, qu’elle se relèverait et qu’elle triompherait en dernier ressort.

Ardent patriote, il souffrit cruellement des malheurs successifs oui fondirent sur la France ; il les constatât avec amertume ils l’accablaient, mais il n’aurait pas voulu qu’on s’en lamentât devant lui ; à l’annonce de chacun de nos désastres, il pensait à la victoire prochaine qui l’effacerait, et le pessimisme qu’il rencontrait autour de lui l’exaspérait.

Cependant, le 1er août, il écrivait à George Sand. «... Dans quelles terribles affaires nous entrons avec cette guerre sauvage ! Dieu veuille que notre armée réussisse à châtier tant d’insolentes prétentions et d’ambitions cupides ! Il n’est question à Paris que des mauvais traitemens infligés aux Français attardés au-delà du Rhin ; ici, au contraire, ou accueille comme avant les Prussiens restés en France, et il doit en être ainsi [1]. »

A cette heure, revenu à Paris avec Mme F. Buloz et son fils Charles qui devait, depuis la mort de l’ainé, succéder à son père dans la direction de la Revue, F. Buloz songea d’abord aux difficultés auxquelles il lui faudrait faire face, concernant ses rédacteurs dispersés, car, au début, il ne s’arrêta guère à l’éventualité d’un siège ; il ne pensa qu’à paraître chaque quinzaine, en composant des numéros intéressans. Aussi fit-il appel aux bonnes volontés de ses collaborateurs.

Beaucoup étaient au loin. George Sand à Nohant allait, à la fin de septembre, en être chassée par une épidémie de variole terrible, qui la força d’émigrer dans la Creuse ; Cherbuliez a Genève, Fromentin à la Rochelle, Saint-Marc Girardin a Magnac-Bourg, Michel Chevallier à Asnelles ; quant à Montégut il avait disparu, et ses amis s’inquiétaient, le croyant mort ou fou.

Au commencement de la guerre, et malgré leur éloignement, les rédacteurs pouvaient encore envoyer leurs travaux,

  1. Inédite. (Collection S. de Lovenjoul. F. 227. F. Buloz à G. Sand. 1er août 1870.)