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avait un tempérament d’historien. Il crut tout concilier en se tournant du côté des études d’archéologie, d’épigraphie et d’exégèse, et, son amour des voyages aidant, il rêva d’entrer à l’Ecole d’Athènes. L’excellent Georges Perrot, qui l’aimait et l’estimait beaucoup, voyait en lui un de ses futurs « Athéniens. » La destinée a disposé de Maurice Masson autrement.

L’occasion vint s’offrir en effet à lui d’occuper la chaire de littérature française moderne de l’Université de Fribourg en Suisse. Après quelques hésitations, il accepta. Dans ce champ d’études, qui n’était d’ailleurs point nouveau pour lui, il s’avisa bien vite qu’il trouverait aisément l’emploi de toutes ses facultés et de toutes ses préoccupations. Surtout, l’homme d’action, le soldat qu’il y avait en lui, comprit que, dans ce poste de confiance qui lui était proposé, il aurait une œuvre particulièrement utile à poursuivre et à réaliser. Il accepta.

Fondée en 1889 par un homme d’Etat supérieur, qui aura une belle page dans l’histoire de son pays, M. Georges Python, l’Université de Fribourg est l’une des institutions les plus originales de notre temps. Université catholique, sans exclusivisme d’ailleurs, et puisque aussi bien le canton de Fribourg est catholique, mais Université d’Etat, au même titre que les Universités de Genève, de Lyon ou d’Upsal, l’Université de Fribourg a pour caractère essentiel d’être une Université internationale. Réunir et grouper autour de l’idée catholique des représentans qualifiés des diverses méthodes d’enseignement et des différentes « cultures » nationales, créer pour les étudians de tous les pays un centre, peut-être unique, d’études, d’observations et d’expériences : telle avait été la généreuse et haute pensée de son fondateur. En fait, par la faute des circonstances, par la faute aussi de nos Français, trop casaniers, il s’était souvent produit une certaine rupture d’équilibre dans la « répartition » des nationalités et des influences ethniques. Ai-je besoin d’ajouter que cette rupture d’équilibre s’était toujours faite au profit de l’envahissante Allemagne ? Il y a vingt-quatre ans de cela, l’Université de Fribourg ne possédait qu’un seul professeur français laïque ; à la Faculté des Lettres, en face de neuf professeurs allemands, il n’y avait ni un Italien, ni un Français, pas même dans la chaire de littérature française. Et comme si la part du lion ne leur suffisait pas, quelques professeurs allemands s’avisèrent même un jour de tenter, contre le gouvernement