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PIERRE-MAURICE MASSON

Lui aussi ! Ce jeune maître, — car c’en était un, — dont la Sorbonne s’apprêtait à applaudir les thèses courageusement achevées dans les tranchées lorraines, cet être si délicieusement vivant, aujourd’hui mort, tué net par un éclat d’obus ! Cette fine et riche nature, ce cœur généreux et ardent, cette pensée robuste et agile, ce souple talent si plein d’avenir, cette œuvre déjà imposante [1] : tout cela brisé, ruiné, enseveli... Qu’on me pardonne d’exprimer naïvement ma douleur ! Si personnelle qu’elle me soit, j’ai le sentiment que, comme toutes nos douleurs d’aujourd’hui, elle est un peu collective. Depuis douze années que je le connaissais, j’aimais tendrement Maurice Masson, d’une affection presque fraternelle ; mais je n’aimais pas seulement son âme délicate et charmante, j’aimais sa haute distinction d’esprit, et je n’étais pas le seul à voir en lui l’une des personnalités représentatives de sa génération. La Sorbonne, en conférant solennellement au candidat qu’elle n’avait pu entendre l’honneur d’un doctorat posthume, vient de témoigner que nous ne nous étions point trompés...

Pierre-Maurice Masson était Lorrain. Il appartenait à l’une de ces familles de la bonne bourgeoisie provinciale où se conservent jalousement les fortes traditions morales et religieuses, et qui sont l’honneur solide et trop méconnu de notre race. Le sens pratique des affaires y va de pair avec le goût des choses de l’esprit. Le père était un peu artiste ; il peignait,

  1. Fénelon et Mme Guyon, Hachette, 1907 ; — Alfred de Vigny, Bloud, 1908 ; — Une vie de femme au XVIIIe siècle : Mme de Tencin, Hachette, 1909 ; — Lamartine, Hachette, 1910 ; — La Profession de foi du Vicaire savoyard de Jean-Jacques Rousseau, édition critique, Hachette, 1914-1916 ; — La Religion de Jean-Jacques Rousseau, 3 vol., Hachette, 1916.