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de notre service d’importation, ce qui aura pour effet d’atténuer notablement les conséquences de l’encombrement des marchandises dans les ports et de stabiliser le cours des frets.

Les Allemands connaissent aussi bien que nous cette situation et elle leur a été un prétexte à de folles espérances. Nos ennemis ne se cachent pas pour dire qu’ils comptent sur la crise des transports pour hâter à leur avantage la fin de la guerre. Tel était notamment le but de leur campagne sous-marine contre les neutres. Ils se flattaient de rendre les mers inhabitables et de raréfier le tonnage flottant au point que le trafic mondial serait pratiquement interrompu. Telle était leur thèse, qui concordait pleinement avec leur sauvage conception du droit de la guerre. Heureusement, il y a loin de la coupe aux lèvres. En admettant que leur raisonnement lut exact, s’ils ont pu vivre sur eux-mêmes pendant 18 mois, qui nous empêcherait de faire comme eux ? Mais qu’on se rassure ; nous ne serons jamais réduits à cette extrémité : la mer est grande, nos navires n’ont pas peur. « Le chien aboie, la caravane passe ! » Enfin, il est permis de croire que la fière et nette réponse du président Wilson à la note allemande, changera considérablement la situation.

Quoi qu’il en soit, et en admettant même que les Allemands ne modifient pas leurs méthodes de guerre sous-marine, on peut affirmer que celle-ci manquera son but essentiel qui était de suspendre, ou même de gêner le ravitaillement des Alliés. Quelque regrettable que puisse être la perte de plus de 2 millions de tonnes de navires marchands, il en reste encore assez pour nous permettre de jouir de la liberté des mers qui demeure toujours la grande force de l’Entente. Celle-ci possède, après plus de 20 mois de guerre, 25 millions de tonnes de navires. Malgré tous leurs efforts, les Allemands ne peuvent compter, avant la victoire de nos armes, diminuer ce tonnage dans des proportions embarrassantes. Nous avons, en outre, à notre disposition la flotte neutre. Jusqu’ici, nos adversaires n’ont pas osé toucher à la marine américaine, de peur que par rétorsion les Etats-Unis ne missent la main sur les navires allemands immobilisés dans leurs ports. Peut-être aussi pouvons-nous espérer que quelques nations suivront l’exemple du Portugal en armant les navires retenus chez eux. Ce serait alors quelques centaines de mille tonnes libérées pour le trafic mondial.