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de luxe, du moins dans les matières d’emploi courant, qu’il eût été particulièrement essentiel de ménager.

Il nous reste donc un double devoir à remplir : augmenter notre production nationale et réduire notre consommation, aussi bien celle des particuliers que celle des services publics. Avons-nous conscience d’avoir fait à cet égard tout ce que nous pouvions ? Il semble, au contraire, que, depuis cette guerre, nous ayons cédé à la tentation de dépenser sans limite. Nous avons mis une sorte d’orgueil imprudent à ne nous priver de rien, en face d’une Allemagne affamée. Nous devrions, au contraire, nous représenter les répercussions ruineuses de nos consommations sur le taux du fret. Chaque Français qui gaspille une richesse importée contribue à aggraver la crise dés transports. Voilà ce qu’il faudrait se dire. Si nous avions les uns et les autres conscience de l’erreur patriotique que nous commettons en achetant un objet superflu, nous arriverions à soulager, chacun pour notre part, le trafic de nos ports de commerce.

La Grande-Bretagne, qui pourtant bénéficie de la hausse des frets autant qu’elle en souffre, nous donne l’exemple en prohibant l’entrée de certains articles de luxe. Cette décision va encore faire hausser les frets sur Londres, en tarissant notre meilleure source d’exportation. Pourquoi n’adopterions-nous pas une mesure analogue ? Il est temps de songer à endiguer le fleuve par lequel s’écoule la fortune de la France.

Les consommations des particuliers représentent relativement peu de chose en regard des dépenses des services publics. Nous nous garderons de faire ici le procès des administrations, quelles qu’elles soient. Cependant, il est facile de constater que des approvisionnemens s’accumulent dans les ports et subissent des avaries sans être évacués, preuve qu’on aurait pu attendre pour les importer. Non seulement les commandes de certains ministères sont parfois excessives, mais encore elles sont faites sans qu’on ait toujours songé aux moyens pratiques de les acheminer sur notre pays. La hausse brusque des frets a surtout été provoquée par cette disproportion entre les offres d’affrètement et le tonnage disponible. En équilibrant nos demandes avec les moyens dont nous disposions réellement, on eût évité la plupart des difficultés actuelles. Il y a lieu d’espérer que le Comité des transports saura régulariser le fonctionnement