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portion du sol français, et il se trouve, malheureusement, que nous retirions du territoire envahi la houille, indispensable à la marche de nos usines, et le minerai de fer destiné à forger nos armes. La situation serait bien différente si nous pouvions exploiter, d’une façon intensive, nos mines du bassin houiller du Nord et nos riches gisemens de fer de Briey. À bien d’autres titres, l’occupation de nos départemens industriels réagit défavorablement sur notre situation économique. En outre, la raréfaction de la main-d’œuvre a amené une baisse indéniable dans le rendement de nos instrumens de production.

Comment, dans cette occurrence, faire face à la consommation grandissante ? Il ne s’agit pas seulement de l’effroyable dépense de richesses qui s’accomplit, heure par heure, sur le front : de la poudre qui se volatilise, des projectiles qui labourent la terre, des balles qui se perdent, des équipemens, des armes, des habillemens qui s’usent ou disparaissent, des voitures automobiles qu’on abandonne au bord de la route, de l’essence qui se brûle dans les convois incessans de troupes ou de matériel. Tout cela amène, directement ou indirectement, des consommations inouïes de coton, de produits chimiques, d’acides, d’acier, de nickel, de cuivre. Mais il faut encore songer que les besoins des armées en campagne absorbent une quantité tout à fait inusitée de liquides et de denrées. Je n’en donnerai qu’un seul exemple. Le stock disponible en bœufs de boucherie, pour la consommation ordinaire d’une année, en temps de paix, n’était que de 1 800 000 têtes ; tandis qu’en ajoutant aux rations militaires la fourniture quotidienne de 100 grammes par habitant civil, c’est en un seul trimestre de guerre que devait être absorbée toute cette réserve de bétail. Ce raisonnement pourrait être appliqué à la plupart des vivres entrant dans la nourriture du soldat : au blé, aux pommes de terre, au vin surtout, dont l’Intendance a dû réquisitionner presque toute la récolté. Il suffit, d’ailleurs, de songer aux 93 millions que nous dépensons par jour pour se représenter ce que cette somme suppose de matériel anéanti pour chaque jour de guerre. Le terme de guerre d’usure convient bien à une telle déperdition d’énergie. On aurait pu espérer tout au moins que la population civile pourrait se limiter dans ses besoins. Mais toute une série de considérations ont fait, au contraire, qu’il y a eu des gaspillages, sinon dans les articles