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de 1 500 000 tonnes ! Il y a donc déficit non seulement par rapport aux sinistres dus à des événemens de guerre, mais encore par rapport aux disparitions ordinaires de navires.

Comment sortir de cette impasse ? On a proposé au Parlement de taxer le fret, afin de limiter les bénéfices des armateurs. Je ne trouverais rien à objecter à cette mesure, si elle était réalisable. Mais à quoi servirait de taxer les navires français qui n’absorbent qu’une partie malheureusement peu importante du trafic, si le pavillon étranger restait libre ? Pour que la taxation produisit des résultats réels, il faudrait qu’elle fût décidée de concert avec les nations alliées. Même dans cette hypothèse, les neutres refuseraient de se plier à cette décision arbitraire, qui risquerait ainsi de manquer en partie son but. Toutefois, c’est dans la voie de l’entente avec le gouvernement anglais qu’il faut s’engager pour obtenir une réduction du prix des transports. Tel fut l’objet du voyage à Londres de M. Sembat, voyage à la suite duquel le sous-secrétaire d’Etat de la marine marchande a pu déclarer à ses interpellateurs : « Nous pourrons, sur ces deux questions de la centralisation des affrètemens et de la réduction du prix des charbons, vous apporter la double satisfaction que très légitimement vous recherchez. » Pour le moment, le principe de cette réduction a été seul admis, les moyens d’exécution ont été renvoyés à l’examen d’une commission.

La Grande-Bretagne, notre fidèle et loyale alliée, se rendra certainement compte que la France, si prodigue de son sang et de ses richesses, ne peut supporter plus longtemps la dime écrasante que prélèvent sur ses échanges les armateurs étrangers. Grâce à l’importance du tonnage inscrit au Board of Trade, celui-ci exerce une sorte de contrôle sur le fret mondial. Il serait facile à nos amis de faire baisser ce fret soit en le taxant, soit en réquisitionnant les navires. Il ne parait pas exagéré de leur demander que cette solution soit adoptée, tout au moins pour le transport du charbon, de l’acier et généralement des importations destinées à la fabrication du matériel militaire. Au lieu de cela, le gouvernement anglais a frappé les bénéfices de guerre d’une taxe de 50 pour 100, qui a eu pour effet de faire augmenter encore le prix du fret ! Il est aisé de voir que, de cette façon, le Trésor anglais perçoit indirectement un impôt élevé sur la consommation française, puisqu’une grande