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entrepreneurs de camionnage leurs instrumens de travail, les empêchant ainsi de donner suite aux commandes de leurs cliens. Le département de la Guerre a bien essayé de remédier à cet état de choses en envoyant des voitures réquisitionnées ; un dépôt a été constitué à Marseille, près de la gare des voyageurs ; mais quels véhicules y ont été rassemblés ? de petites charrettes, à peine capables d’enlever quelques centaines de kilos. De sorte que, quand on a voulu s’en servir, on s’est aperçu que le remède était pire que le mal. Ces voitures, vu leur nombre excessif par rapport à leur peu de rendement, interrompaient la circulation des voies. Il aurait fallu des poids lourds ; or, le service de l’avant absorbait toutes nos disponibilités en camions-automobiles. Ce n’est que tout récemment que la Chambre de commerce a créé un parc d’automobiles qui sont loués aux intéressés. De ce fait, le port a pu être dégagé.

Cependant, cet embouteillage des ports de commerce tient surtout à la pénurie des wagons. Nous avons vu dans quelle proportion le trafic des chemins de fer avait augmenté au Havre, à Rouen et à Dieppe. A Boulogne, il est passé de 719 000 tonnes en 1913 à 1 316 000 en 1915 ; à Saint-Nazaire, de 1 490 000 à 2 122 000 ; à Nantes, de 1 611 000 à 2 429 000 ; à la Pallice, de 486 000 à 921 000. De même que pour faire face aux transports maritimes grandissans, le tonnage flottant devenait de plus en plus rare, de même le matériel roulant des chemins de fer disponible diminuait dans de notables proportions. Sur un parc d’environ 360 000 wagons à marchandises que nous possédions en août 1914, 47 000 à peu près ont été retenus par l’ennemi. Si l’on déduit de ce chiffre 3 000 wagons allemands saisis et 7 000 wagons belges, il nous manquerait encore 37 000 wagons. En outre, les besoins de la défense nationale nous obligent à maintenir dans la zone des armées de 20 à 25 000 wagons. Ce chiffre a atteint 40 000, dit-on, au moment de la bataille de la Marne. Il n’est pas besoin de pousser la démonstration plus loin pour comprendre les motifs de l’engorgement des ports.

Comme ici la concurrence ne joue pas, il n’y a pas eu hausse dans le coût du transport, ainsi que pour le fret ; mais nous avons montré que cette situation réagit fortement sur le prix de revient général de la marchandise, puisqu’elle occasionne des retards dans le déchargement et le payement de surestaries. Tout se tient dans un voyage maritime, depuis le moment où