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sorte que, pour faire fructifier leur capital, les armateurs sont contraints d’envisager une majoration de loyer proportionnelle à cette plus-value. Celle-ci augmentant à mesure que les sous-marins allemands détruisent des navires, il semble que la courbe des frets doive, à moins qu’on n’y mette bon ordre, continuer à progresser sous l’influence des ventes de navires, de nombreux armateurs ayant cherché dans cette opération un enrichissement immédiat.

Voici les conséquences de cette hausse. Avant la guerre, nous payions 350 millions par an à l’armement étranger ; en 1915, nous avons acquitté près de 2 milliards de traites au profit de cet armement, dont les trois quarts pour l’Angleterre. En 1916, si cette ascension vertigineuse du fret continue, c’est peut-être 3 à 4 milliards que la nation française devra donner aux marines marchandes alliées ou neutres. Nous n’aurons même pas la consolation de penser que nos armateurs en profiteront ; leurs navires ayant été en grande partie réquisitionnés, leurs recettes sont peu de chose en comparaison de ce que nous devrons verser au dehors. On peut s’en faire une idée par le calcul suivant : nos importations étant de 3 millions de tonnes, à raison de 60 francs par tonne de fret moyen, payent 200 millions de fret par mois en chiffres ronds. Sur cet ensemble, la part du tonnage français représente 26 pour 100 des navires transporteurs, le pavillon étranger figurant pour 74 pour 100, dont 48 pour 100 sous pavillon anglais. Mais comme nous possédons peu de cargo-boats et beaucoup de paquebots dont le rapport est moindre, on peut compter que nos armateurs n’encaissent que 40 millions, contre 160 millions prélevés par l’armement étranger. Il est impossible de ne pas se montrer soucieux de l’importance de cette dette. L’Etat ou le consommateur français auront finalement à la solder sous forme d’augmentation du prix des produits importés et elle entraînera une perturbation encore plus grande dans notre cours du change. La question des affrètemens se présente donc comme un des problèmes les plus préoccupans qui se posent dans notre pays par suite de la prolongation de la guerre.


Malheureusement, la crise des transports ne se dénoue pas à l’arrivée, elle subsiste même après le mouillage du navire. Elle