Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

incombe à la flotte marchande du fait de l’accroissement de nos importations. Les douze principales gares-ports du réseau de l’Etat recevaient 6 017 000 tonnes en 1913 ; elles en ont admis 10 404 000 en 1915 : soit une augmentation de 73 pour 100.

Si l’on envisage la situation d’ensemble, on s’aperçoit que nos importations, qui étaient de 48 millions de tonnes en 1913, sont bien tombées à 32 millions ; mais il en est venu 31 millions par mer, au lieu de 30 millions en 1913, ce qui s’explique par la fermeture presque complète de nos frontières terrestres. En tenant compte des marchandises de toute sorte introduites en France pour le ravitaillement des armées anglaises ou belges, on ne s’étonnera plus que le port du Havre, qui avait reçu 2 700 000 tonnes en 1913, en ait débarqué 4 500 000 en 1915 ; que Rouen soit passé de 5 millions à 8 millions d’importations ; tandis que des ports secondaires, comme Dieppe, qui importaient 545 474 tonnes en 1913, reçoivent 849 469 tonnes de marchandises en 1915 ! En 1916, les importations continuent à s’accroître. Elles atteignent actuellement le chiffre de 3 millions de tonnes par mois pour les seules marchandises sujettes aux droits de douane, non compris celles destinées à la réexportation.,

M. Charles Gide, en formulant dans son traité d’économie politique ce que J.-B. Say a appelé la loi des débouchés, enseigne que celle-ci, quoique vraie en principe, n’empêche pas d’incessantes ruptures d’équilibre dans l’échange, lesquelles provoquent des crises, que le savant professeur appelle des « maladies de l’organisme économique. » Nous sommes ici en présence d’une de ces maladies dont le symptôme se traduit par la hausse des frets, c’est-à-dire par l’exagération du coût des transports maritimes. Le propre de toutes les crises de déficit est d’entraîner de pareilles conséquences. Faut-il crier à l’accaparement, au profit scandaleux, ainsi que l’ont fait quelques-uns ? je ne le pense pas. Les armateurs, en l’espèce, se sont bornés à profiter de l’infaillible loi de l’offre et de la demande. Ils ne l’ont pas provoquée, pas plus que le viticulteur qui vend son vin 70 francs l’hectolitre. Il n’y aurait donc aucune raison de frapper le bénéfice de l’un plutôt que celui de l’autre.

Il ne faut pas non plus négliger l’augmentation du taux des assurances qui sont incorporées dans les frais de transport. Il a fallu tenir compte du risque de guerre. Les Etats belligérans les prennent à leur compte, moyennant une prime assez faible.