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Certaines Compagnies de navigation d’Extrême-Orient ont renoncé à passer par le canal de Suez, pour doubler le cap de Bonne-Espérance. De ce fait, la traversée de Colombo sur l’Angleterre, durera dix jours de plus. Enfin, les précautions à prendre pour éviter la rencontre des sous-marins entraînent également à des pertes de temps sensibles : suspension des départs, déroutemens, atterrissages de nuit, etc. Voici un exemple personnel. Au moment où j’allais rentrer en France, étant en Algérie, des submersibles allemands écumaient les eaux de l’Afrique du Nord. Une dépêche du ministre de la Marine suspendit la navigation pour quarante-huit heures entre la France et l’Algérie. Quand notre appareillage fut décidé, il s’effectua de nuit, tous feux éteints. Notre commandant, pour tromper la surveillance des pirates, inclina sa route de plusieurs milles dans l’Est et évita les Baléares pour rentrer à Marseille avant l’aurore. Nous y arrivâmes de plusieurs jours en retard sur notre itinéraire, après une traversée qui avait duré trente-six heures, au lieu de vingt-six. Ce n’est là qu’un fait isolé, dont la répétition amène forcément un grand ralentissement des expéditions maritimes.


Cette raréfaction brutale et cette mauvaise exploitation du tonnage se sont produites à une époque où les besoins devenaient de plus en plus pressans. Il importe de remarquer, toutefois, que l’augmentation du trafic a été assez lente à s’affirmer. Après la stagnation complète des importations, imputable à la mobilisation des chemins de fer, il s’est écoulé une période relativement longue pendant laquelle le mouvement général des affaires fut nettement inférieur à ce qu’il était avant la guerre. Mais le réveil de la marine marchande était proche. A Marseille, le trafic, qui représentait, en janvier 1915, 51 pour 100 du trafic moyen de l’année précédant la guerre, bondissait, en fin de février, à 123 pour 100. A Bordeaux, au cours de l’année 1915, le tonnage des navires ayant remonté le fleuve excédait de 1 090 833 tonneaux celui de 1913. Je ne veux pas surcharger cette étude de statistiques fastidieuses. Il suffira d’une statistique éloquente, que j’emprunte au discours prononcé par M. Louis Dubois devant la Chambre des Députés, le 31 mars 1910, pour faire comprendre quel est le surcroit de besogne qui