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La saisie par les belligérans des navires ennemis se trouvant dans leurs eaux, ainsi que l’immobilisation des bâtimens dans les ports neutres, au moment de la déclaration de guerre, a eu également pour effet d’amoindrir notablement la flotte commerciale active. Les Alliés ne se sont pas fait faute d’armer pour leur compte les navires austro-allemands qu’ils avaient sous la main ; l’Italie, sans être en guerre avec l’Empire germanique, vient de s’y résoudre, et nous savons qu’une telle détermination a entraîné la rupture des relations diplomatiques entre l’Allemagne et le Portugal. D’autre part, les navires alliés saisis dans les ports germaniques et les navires allemands immobilisés dans les ports neutres restent toujours inutilisés. Il existe notamment 171 000 tonnes de navires britanniques et 23 000 tonnes de navires français ou russes, détenus dans les ports allemands.

Les pertes alliées ou neutres dues à l’état de guerre, par capture ou destruction, atteignaient, au 30 mars, 2 140 000 tonneaux, soit 4,2 pour 100 de la flotte mondiale. En ce qui concerne la flotte française, le chiffre, au 15 avril 1916, était de 176 422 tonneaux et la liste des vaisseaux qui disparaîtront ainsi dans les profondeurs de l’Océan, sans aucun profit pour le commerce du monde, tend à s’allonger chaque jour davantage.

On voit quelles amputations ont été pratiquées. dans la flotte marchande alliée ou neutre, par réquisition, saisie ou destruction. Si l’on additionne tous les élémens que nous venons de donner, savoir la flotte austro-allemande, 5 000 000 tonneaux (en tenant compte des navires utilisés par les Alliés), les réquisitions 9 000 000 de tonneaux, les pertes 2 140 000 tonneaux, les navires séquestrés en Allemagne 200 000 tonneaux, on obtient une réduction de 16 340 000 tonneaux sur le tonnage mondial mis à la disposition des nations alliées ou neutres, soit un pourcentage de 32 pour 100. La flotte qui navigue encore commercialement est, en outre, assez sérieusement gênée dans sa marche, pour que cette situation influe sur l’organisation générale des services maritimes. Plusieurs circonstances ont entraîné ce que j’appellerai l’allongement des voyages. La fermeture des Détroits nous a contraints d’aller chercher dans l’Amérique du Sud le blé que nous prenions à Odessa, et au Texas le pétrole qui provenait de Roumanie : d’où traversée plus longue et indisponibilité plus prolongée des pétroliers ou des transporteurs de céréales..