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raréfaction du tonnage du navire. On estimait en chiffres ronds à 50 millions de tonneaux de jauge brute le total du tonnage mondial, au moment de la déclaration de guerre [1]. Sur cet ensemble, la France figurait pour 2 500 000 tonneaux, la Grande-Bretagne pour 21 000 000, l’Allemagne pour 5 000 000 de tonneaux. Pour ne parler que des vapeurs, leur tonnage brut atteignait 45 000 000 de tonneaux environ, dont 27 millions aux alliés, et 6 millions aux Empires du Centre. L’inutilisation presque, complète de la flotte austro-allemande a eu pour effet d’enlever au trafic mondial plus de 10 pour 100 du tonnage utile, tout en tenant compte des navires saisis dans les ports alliés, dont la jauge dépasse un million de tonneaux. Bien que la diminution du tonnage du navire trouve une contre-partie dans la diminution du trafic allemand, l’immobilisation de la flotte commerciale germanique n’en a pas moins influé sérieusement sur la situation maritime générale. En second lieu, ce que l’Empire n’a pu transporter sur ses propres navires, il l’a malheureusement confié à des compagnies de navigation neutres. Par suite du relâchement du blocus, nos ennemis ont reçu par la Hollande, le Danemark et les Etats Scandinaves une grande partie des matières indispensables à leur entretien. Il nous est assez pénible de constater qu’une portion du tonnage neutre, dont l’utilisation nous eût été si précieuse, a servi à ravitailler nos adversaires. En outre, il est certain que leur flotte contribuait dans une trop large proportion au trafic entre les ports français et l’extérieur. Nos colonies elles-mêmes n’avaient pu s’affranchir du fléau teuton ! En 1913, le nombre des navires austro-allemands qui ont fréquenté nos possessions lointaines se monte à 1 687, représentant un tonnage de 3 319 000 tonneaux, ayant transporté 658 000 tonnes de marchandises, d’une valeur de 147 725 000 francs. Pour ne pas interrompre l’intercourse coloniale, nos bâtimens ont dû suppléer à l’absence des navires allemands.


La réquisition, la saisie et la destruction des navires par le fait de guerre ont accentué cette disette du tonnage. Nous avons

  1. Les auteurs varient dans l’appréciation de ce tonnage. Le chiffre de 50 millions de tonneaux a été donné par le sous-secrétaire d’État de la marine marchande à la tribune de la Chambre des députés dans la séance du 21 mars 1916.