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Nous avons encore été les hôtes de quelques petits couvens du Djurjura.et lorsque nous nous promenions dans les villages, les Berbères que nous interrogions, afin de connaître leur sentiment sur les Pères répondaient presque toujours : « A la fin d’août 1914, quand les bruits de certaines victoires allemandes se répandirent dans le « bled, » quelques-uns d’entre nous frémirent. Même ceux qui se trouvaient heureux de la domination des Français qui améliora leur bien-être se souvinrent, malgré tout, qu’ils étaient les fils des insurgés de 1871 et regardèrent vers l’Europe, afin d’apercevoir les maîtres de l’heure. Quelle ne fut pas leur surprise lorsqu’ils remarquèrent que pas un Père Blanc ne quittait la Kabylie ! Dans toutes leurs maisons ils continuaient d’aller et venir et de nous porter des secours comme au temps de la paix. Alors, le soir, dans les djemâa des villages, ces Kabyles dirent : « Puisque ces religieux français restent dans leurs logis et puisqu’ils continuent de nous assister, ô hommes, soyez-en assurés, la France n’est pas vaincue, la France sera victorieuse. »

— Moins fatalistes que les Arabes, par conséquent plus sensibles à l’influence de notre civilisation, nous disait le Père L... à Aït-Lhassen, les Berbères nous jugent d’après nos actes, et nous vous affirmons que s’ils ne sont pas toujours reconnaissans des bienfaits qu’ils reçoivent, nous obtenons au moins d’eux une neutralité bienveillante. Chez leur élite, mieux encore, c’est du respect, sinon de l’affection. Quant à nos chrétiens, ils nous témoignent un vrai dévouement. N’oublions jamais, dans nos colonies, les services, même politiques, que nous rendent les indigènes convertis. En Indo-Chine, n’est-ce pas aux avertissemens des catholiques que nous devons d’avoir pu échapper à la tentative d’empoisonnement général de nos officiers et de nos troupiers ? Interrogez en Algérie les chefs indigènes, qui certes ne sont pas de nos catéchumènes, mais des musulmans ralliés à la France, et demandez-leur ce qu’ils pensent de l’action de nos Pères et de nos religieuses.

Pour répondre à ce vœu, nous nous rendons à Djemâa-Saridj, cette délicieuse oasis berbère où les sources de la région se sont assemblées pour fertiliser les terres et arroser caroubiers, orangers,