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Parmi ces enfans, quelques-uns très roux aux yeux bleus.

— Vous connaissez l’hypothèse de Gaston Boissier ? Il tenait ces Berbères blonds pour des Aryens d’Espagne, nous dit le Père C... Intelligens ? Sans doute, ils le sont. Laborieux ? Certains. Ils apprennent aisément le français et ils sont surtout doués pour le calcul. Quels habiles marchands en herbe ! Presque tous ces garçons nous viennent de familles musulmanes et nous nous gardons de tout prosélytisme à leur égard. Les parens le savent, d’où la confiance qu’ils nous témoignent. Ici, par principe, je ne fais donc que cultiver les intelligences et leur donner quelque éducation, — ce dernier point très important. Il faut les civiliser, les polir, les discipliner. Ces poulains échappés m’arrivent avec des cabrioles et vous voyez qu’en somme, nous obtenons d’eux un silence et une décence que pourraient envier leurs condisciples de France. Parfois, dans l’un ou l’autre de nos établissemens de Kabylie, nous découvrons un sujet tout à fait exceptionnel qui s’attache à nous. Nous le gardons. Il vous arrivera de rencontrer, à travers le bled, un religieux que vous croirez Français et, pourtant, ce sera un Berbère. L’instruction, la vie en commun avec nous et la piété l’auront transformé. Voilà nos meilleures victoires.


A travers les tribus des Beni-Yenni, des Kouriet, des Beni-Mahmoud et des Beni-Aissi, nous avons visité d’autres couvens où quelques Pères, isolés parmi la population la plus rude de l’Afrique du Nord, consolent, soignent, protègent et font aimer la France.

Dans l’importante tribu des Ouadhia qui fournit en ce moment tant de braves tirailleurs à l’armée, nous sommes restés à Taguemmount-Azouz, dans l’une des maisons les plus importantes de la Berbérie. Son supérieur, le Père Vidal, jouit d’un véritable prestige dans les villages de la région. Lorsque, en sa compagnie, nous traversions ces bourgs d’un millier d’habitans perchés comme des aires de faucon au sommet des collines, hommes et femmes s’élançaient vers lui en clamant avec un accent à la fois comique et touchant :

— Pârre Vidal ! Pârre Vidal !

Toutes et tous voulaient l’entretenir, lui demander avis, être