Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
EN KABYLIE

LES PÈRES BLANCS
PENDANT LA GUERRE

En quittant Maillot pour nous rendre chez les Pères Blancs d’Ighil-Ali, nous traversons une admirable région algérienne qu’on pourrait appeler la « Provence africaine, » car son paysage montueux, boisé d’oliveraies, rappelle, avec plus d’ampleur et de force, les campagnes d’Aix à Toulon.

En 1871, cette partie de la Kabylie fournit les chefs de la formidable insurrection qui tint en échec pendant plusieurs mois deux armées françaises, Maintenant, agréable constatation, malgré la guerre mondiale prolongée, c’est ici la sécurité absolue. Des patres en burnous et des laboureurs à jambes nues, beaux comme des figures de Virgile, saluent au passage notre voiture. Nous roulons vers l’une des plus curieuses villes berbères de l’Afrique où les Pères Blancs, puis les Sœurs, plantèrent bravement leurs tentes, au lendemain de la défaite des insurgés kabyles. Sans cesse la route s’élève de la vallée de l’oued Sahel vers la montagne de plus en plus dénudée, hargneuse et pourtant magnifique de couleur et de ligne. Le pays change d’aspect et, de provençal, devient âprement africain. A gauche, les cimes neigeuses du Djurjura semblent coiffer l’ « arekia, » cette calotte de laine blanche portée par certains