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enfermer dans l’Adriatique et bloquer étroitement à Pola ou à Cattaro ? Et ces 18 ou 20 000 hommes de débarquement, à quoi serviraient-ils ? Pour les joindre aux Autrichiens du Carso, de l’Istrie ou de l’Albanie, point n’était besoin de les exposer aux dangereux hasards d’une telle traversée...

Certes ! — Aussi n’est-ce point l’Adriatique qui serait, en pareille conjoncture, l’objectif de nos adversaires, ni, davantage, les rives orientales de l’Egée, ou celles de la mer Syrienne. Je crois que je puis m’en fier à la pénétration des lecteurs de la Revue pour déterminer le point où, rapidement mis à terre, ce petit corps allemand suffirait pour provoquer, non point un mouvement populaire, — et encore, qui sait ?... — mais un mouvement politique et militaire en faveur des empires du Centre.

Et quant aux conséquences de ce coup d’audace, il est, n’est-ce pas ? inutile de les développer. Elles seraient considérables. J’ajoute que l’escadre allemande, — si elle réussissait décidément à déjouer les manœuvres des flottes alliées pour l’intercepter, — trouverait aux Dardanelles un refuge assuré. Bien mieux, ralliant à Constantinople le Gœben et le Breslau, encore à peu près valides, dit-on, malgré leurs avaries, elle serait en mesure de disputer énergiquement la Mer-Noire à l’escadre russe.


Ai-je besoin de dire, de répéter qu’en tout ceci j’ai mis les choses au mieux pour nos adversaires et que la réussite d’une opération aussi téméraire supposerait un concours de chances heureuses qui ne se produit guère dans le cours ordinaire des choses. Mais c’est assez, il me semble, que le succès ne soit pas absolument impossible pour qu’il y ait intérêt à en étudier de près les ressorts. C’en est un très fort, très solide, que l’avantage d’une grande vitesse longtemps soutenue, et cet avantage, nous n’avons pas le droit de le refuser a priori à nos adversaires. Les Alliés le possèdent d’ailleurs aussi bien qu’eux.

La vitesse ! La vitesse, avec une puissance offensive et défensive suffisante, caractéristiques essentielles des « croiseurs de combat... » avec cela, que ne peut-on entreprendre ?


Contre-Amiral DEGOUY.