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et décisive bataille. Le détroit serait défendu, sans doute ; pas aussi bien, cependant, que le Pas de Calais. Les circonstances géographiques et hydrographiques ne s’y prêtent pas.

Les Allemands trouveraient-ils bientôt, du moins, une concentration imposante de forces navales capables de leur barrer la route et de les détruire ? Oui et non. Ce n’est point du tout certain. Il y a la flotte autrichienne qui ne se laisserait pas oublier dans cette affaire compliquée dont son chef, l’archiduc Karl-Stephan, entretenait, en février dernier, l’Etat-major naval de Berlin et le prince Henri de Prusse. Je n’entreprendrai pas, — ce serait beaucoup trop long, — de débrouiller les fils d’un écheveau stratégique aussi enchevêtré ; et d’ailleurs, quand on effleure des questions de ce genre, il convient de se tenir dans les généralités. Ce que je puis dire, c’est qu’il n’est pas si aisé qu’on le pense, d’abord, — stratégiquement, — d’opérer à point nommé des concentrations exactes d’escadres dispersées, dont tous les élémens ne sont pas toujours prêts à marcher simultanément et qui ne sauraient se dégager, là, tout de suite, sur un simple signal de T. S. F., des opérations essentielles où elles se trouvent engagées ; en second lieu, — tactiquement, — de se mettre en travers de la marche d’unités rapides et bien armées, vigoureusement conduites d’ailleurs, et qui veulent absolument passer. On peut les canonner certainement, les torpiller... peut-être ; les avarier gravement, les couler même, si la fortune s’en mêle ; mais on ne peut les arrêter net, les fixer, comme on le fit quelquefois dans certains combats de la marine à voiles [1].

Les transports eux-mêmes auraient des chances de passer. Grâce à leur très petit nombre, les unités de combat pourraient les encadrer et les soustraire aux coups les plus dangereux en les plaçant au centre de l’intervalle entre deux colonnes.

Mais à quoi bon tout cela ? Que viendrait donc faire en Méditerranée cette escadre rapide, sans doute, mais trop faible pour y jouer, même réunie à la flotte autrichienne, un rôle prépondérant, puisque aussi bien la supériorité numérique resterait aux Franco-Anglo-Italiens, même avant l’arrivée des Home fleets un moment déroutées ? S’agirait-il donc de se faire

  1. Par exemple Nelson, sur le Captain, au combat du cap Saint-Vincent contre la flotte espagnole (1791) et Lucas, sur le Redoutable, — contre le Victory de Nelson, justement, — à Trafalgar.