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En résumé, s’il reste toujours possible aux Allemands d’entreprendre avec des chances de succès un coup de main n’ayant pour objet que la mise à terre de quelques milliers d’hommes, — à condition qu’ils soient pourvus de munitions pour longtemps, — on ne voit pas du tout comment ils pourraient débarquer une armée, je dis même une petite armée, sur le sol anglais avant d’avoir battu la flotte britannique.

Mais, puisque j’admets le coup de main, n’est-il pas indiqué d’examiner si cette opération ne pouvait être conduite contre nous ? Et même n’est-il pas permis de penser et de dire, maintenant que tout danger est parfaitement conjuré sur notre front continental, qu’il y a eu, à la fin de février dernier, des jours sombres où la nouvelle d’une descente, même de portée restreinte, sur certains points toujours favorables de notre littoral aurait pu causer un grave ébranlement à l’esprit public et de sérieux embarras au commandement ? C’est ce que j’exposais au prime début de cette étude et je ne pense pas être bien téméraire en estimant qu’à Berlin, à l’Office de la Marine comme au grand Etat-major, on avait dû examiner avec une certaine bienveillance les plans d’une opération qui s’inspirait dans son principe de l’opinion que se faisaient nos adversaires, qu’ils se font encore peut-être, de la mentalité française.

Eh bien ! supposons réunie sous Helgoland, à ce « mouillage des vaisseaux » que connaissait si bien notre escadre cuirassée de 1870-71, une force navale allemande ayant la composition suivante :

6 croiseurs de combat ou cuirassés rapides (Von der Tann, Moltke, Seydlitz, Derfflinger, Lützow, Hindenburg) ;

6 croiseurs légers, du type dit « des villes d’Allemagne ; » 1 flottille de « destroyers » ou « grosse torpedoboote » de 10 unités, plus le bâtiment chef de flottille ;

4 paquebots-géans, du type Imperator (50 000 tonnes, 23 nœuds de vitesse), capables d’enlever chacun de 4 000 à 5 000 hommes, au moins, pour une traversée assez courte et de prendre dans leurs immenses cales le matériel correspondant à l’effectif d’une forte division de toutes armes, ainsi que les chevaux et mulets indispensables ;

2 paquebots du même type chargés de combustibles et aménagés pour les ravitaillemens en pleine mer.