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inquiétante pour eux du président Wilson. Quand il eût fallu, pour occuper la scène et « amuser la galerie » une opération sensationnelle et de grande envergure, ils ne trouvent rien de mieux qu’une nouvelle sortie de leurs croiseurs, aussitôt rejetés de la côte anglaise par leurs adversaires et qu’une trente-huitième incursion de zeppelins ou d’hydravions. ils y ajoutent pourtant un « numéro » nouveau, inattendu même, reconnaissons-le, un essai de soulèvement de l’Irlande. Mais quelle insuffisance de moyens pour un objet si ambitieux !

Un mot là-dessus, toutefois, puisque aussi bien l’examen d’une sérieuse opération de descente en Irlande peut rentrer sans effort dans le cadre de cette étude.

Oui, certes, au début de la guerre, une expédition partie des ports de la mer du Nord et réussissant à se dérober vingt-quatre ou trente-six heures à la flotte britannique, — et cela n’était pas très facile ! — eût peut-être atteint un point favorable de la côte du Connaught ou du Munster et, débarquant rapidement une trentaine de mille hommes, aurait causé au gouvernement anglais des embarras dont la répercussion se fût certainement fait sentir sur la marche de nos propres affaires, assez mal en point à ce moment-là.

Mais que de difficultés déjà, à cette époque ! Les hésitations auxquelles je faisais allusion tout à l’heure, admissibles quand il s’agissait de définir exactement le rôle de la Grande-Bretagne dans un conflit où ne semblaient engagés tout d’abord que des intérêts un peu lointains peut-être pour le gros de la nation, ces hésitations, dis-je, n’avaient plus de raison d’être, dès que l’Allemagne lui portait un coup aussi direct et aussi dangereux. Or les Home fleets étaient, répétons-le, toutes prêtes, ayant été mobilisées à la fin de juillet pour la grande revue du roi George V. Elles tenaient la mer du Nord, au moins par leurs grand’gardes, et comment une grande flotte et un long convoi eussent-ils pu échapper à leur surveillance, même en profitant de la brume pour s’élever au Nord, le long du Jutland et de la Norvège, pour tourner ensuite à l’Ouest, au large des Shetland ? Il suffisait, pour que tout fût découvert et que la tentative avortât, de la rencontre inopinée d’un petit croiseur, d’un « destroyer » muni de la T. S. F. Et la mer était sillonnée de ces petits bâtimens.