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prime début des opérations. Mais c’est qu’à cette époque le mode de participation de la Grande-Bretagne à cette grande guerre naissante n’était pas nettement déterminé.

Quelques mois après le 1er août 1914, on ne pouvait raisonnablement compter qu’une telle faute se renouvellerait. Mais admettons les deux barrages établis cependant : allait-on faire abstraction des canons de cette flotte anglaise ? Pour arrêter l’immense flottille progressant lentement vers la côte de Douvres ou vers Dungeness, point n’était besoin aux cuirassés britanniques de s’exposer à de graves périls en essayant de forcer l’avenue. Il leur suffisait de lancer à bonne distance une pluie d’obus sur cette réunion de bâtimens. L’avenue ne pouvait être assez large pour que ceux-ci échappassent aux effets d’un tir, exécuté de l’un et de l’autre côté de ce long, mais étroit plan d’eau. Il n’était même pas nécessaire d’employer à ce bombardement par l’extérieur le gros des escadres cuirassées. Les bâtimens de seconde ligne, les croiseurs légers et les destroyers suffisaient ; et donc les cuirassés, les dreadnoughts en tête, restaient prêts à se mesurer avec les escadres allemandes. Enfin l’amirauté anglaise disposait déjà, en novembre 1914, d’un grand nombre de sous-marins et de bâtimens de très faible tirant d’eau, chalutiers ou autres, armés de canons. Toutes ces petites unités pouvaient pénétrer dans l’avenue sans s’embarrasser autrement des mines, les unes passant au-dessus, les autres passant au-dessous. Quant à arrêter les sous-marins par des filets, il n’y fallait guère songer, la mise en place de ces filets, en plein détroit et surtout dans la mauvaise saison représentant un travail très pénible et très long.

Si maintenant on réfléchit que c’était pourtant entre Calais et Douvres que les chances de succès étaient les plus marquées, — les moins illusoires, devrais-je dire ; — qu’aujourd’hui il faudrait, allant d’Ostende à un point quelconque du Kent, compter avec une distance quadruple et aussi avec le champ de mines anglais de la Manche des Pays-Bas, on se rend aisément compte de l’impossibilité d’entreprendre cette extraordinaire opération.

On le voit assez d’ailleurs. Au moment même où j’écris ces lignes, nous parvient la nouvelle de l’attaque combinée que les Allemands viennent d’exécuter contre l’Angleterre pour masquer le désastreux effet moral produit par la note si dure et si