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surveillance des croiseurs ennemis et atteindre sans fâcheuse rencontre un littoral d’ailleurs peu éloigné.

Il se peut même, à. la grande rigueur, qu’on ait le temps de jeter à terre quelque quinze ou vingt mille hommes avant qu’intervienne le gros de la flotte des défenseurs : par exemple, si on a su attirer ce gros à une grande distance du point de débarquement par une habile démonstration. Mais enfin, ce ne sera jamais là qu’un répit de vingt-quatre heures, au maximum et, ce délai passé, il faudra bien en découdre sans avoir eu le loisir de terminer l’opération et en abandonnant au hasard du combat, sinon l’infanterie du corps de débarquement, du moins sa cavalerie, son artillerie, en tout cas ses encombrans « services à l’arrière, » approvisionnemens, munitions, sections de chemin de fer, outillages et appareils spéciaux, auto-projecteurs, auto-canons, T. S. F., parc d’aérostation, etc. Et si l’on est battu, comme il est plus que probable dans le cas qui nous occupe, que deviendra ce corps d’armée isolé, perdu en pays ennemi, privé de ses ravitaillemens et de la plupart de ses moyens d’action ? J’entends bien que le choix du point de la descente a pu être tel que cette situation si complètement aventurée n’entraîne pas de danger immédiat. Admettons qu’il en sera ainsi quand on aura occupé une île très voisine de la terre ferme, ou, mieux, une presqu’île dont le pédoncule puisse être aisément barré ; ou encore un port en saillie sur le littoral et d’une défense facile contre un retour offensif de l’adversaire.

Mais justement les bénéfices de telles positions ne tardent pas à se retourner contre le téméraire assaillant. N’en pouvant pas déboucher, faute de moyens suffisans, il y sera bloqué presque aussitôt, bloqué du côté de la terre par la concentration rapide des troupes de la défense, bloqué du côté de la mer par celle de la flotte victorieuse.

Ce blocus « tactique, » très rapproché, très resserré, pourra-t-on le rompre quelquefois — bien rarement ! — au moyen de bâtimens très rapides, très armés, très défendus et en même temps susceptibles de porter dans leurs cales de quoi subvenir aux besoins les plus impérieux du corps bloqué ? Peut-être. Cela ne résoudra d’ailleurs pas les difficultés. La grosse artillerie entrera en jeu, à bref délai, aussi bien du côté de la terre que du côté de la mer et un bombardement formidable, écrasant, ininterrompu, viendra à bout de la résistance des bloqués avant