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flotte allemande à l’ouvert du golfe de Finlande, ce serait sans doute décharger la marine russe d’une grande partie du poids qui pèserait sur ses épaules que de retenir vers Helgoland, par une vigoureuse démonstration, les élémens les plus modernes, les plus puissans des escadres cuirassées ennemies.


Si la liberté relative dont jouit la marine allemande dans la Baltique, — « notre mer, » disent orgueilleusement nos adversaires, — donne un sérieux caractère de probabilité à des opérations entreprises contre la côte russe, il n’est point interdit d’en considérer quelques autres comme possibles. Jetons donc nos regards plus à l’Ouest, vers la mer du Nord et les eaux britanniques. Où peut conduire, de ce côté, une sortie de la Hoch see flotte ? La question est très complexe ; à elle seule, elle exigerait une assez longue étude. Je tâcherai de me borner, avec, d’ailleurs, d’autant plus de regret que l’éventualité d’une importante opération maritime allemande — d’un débarquement, pour tout dire, — semble admise encore, à l’heure qu’il est, par certains de nos amis d’outre-Manche et non des moindres, ni des moins influens sur l’opinion. Une descente ! une grande descente, s’entend, sur le sol anglais, après ces vingt et un mois de guerre, après le grand échec de l’offensive allemande vers Dunkerque et Calais, après celui de Verdun, si grave au point de vue de l’usure matérielle et morale, après que la Grande-Bretagne s’est donné une armée de plusieurs millions d’hommes et qu’elle a presque doublé sa flotte, déjà si puissante, si supérieure en nombre à la flotte allemande !

Je ne crois pas être suspect de défiance ou seulement d’indifférence à l’égard des opérations combinées dont j’ai toujours soutenu l’efficacité ; mais, vraiment, je ne vois pas comment celle-ci pourrait réussir, et les appréhensions auxquelles je faisais allusion tout à l’heure me paraissent absolument chimériques. Certes, il n’est pas indispensable d’être maître de la mer pour exécuter un coup de main sur la côte ennemie. Il peut suffire qu’après avoir fait des préparatifs minutieux en vue d’une opération bien déterminée et de portée limitée, qu’après avoir pris exactement des mesures d’ailleurs très compliquées, on profite de circonstances de temps favorables, — mettons une brume épaisse et de quelque durée, — pour se soustraire à la