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On n’en est point encore là, et le grand Etat-major de Berlin peut en ce moment se décider sur d’autres considérations que celles qui, plus tard peut-être, le conduiront à tenter un coup de désespoir. On sait d’ailleurs qu’habile à mettre en jeu toutes ses ressources au moment opportun, et peu sensible à la crainte d’éprouver des pertes, quand il lui paraît que les risques sont com- pensés par les bénéfices éventuels d’une action vigoureuse, cet Etat-major n’hésite pas à employer les vaisseaux à soutenir, à fortifier de tous leurs moyens offensifs les opérations des armées.

C’est ainsi qu’au mois d’août 1915, on se le rappelle, une forte escadre, comprenant des cuirassés, des croiseurs de combat et nombre d’unités légères, entreprit, de concert avec l’aile gauche des armées du maréchal von Hindenburg, de s’emparer du golfe de Riga, de serrer de près ce grand port et même d’effectuer à Pernov un débarquement, qui ne visait à rien moins que de pousser jusque sur Reval, peut-être mal défendu encore du côté de terre, comme l’était Sébastopol au mois de septembre 1854.

Ces desseins ambitieux, mais non pas inexécutables, disons-le tout de suite, furent déjoués par le dévouement d’une partie de la flotte russe, commise à la défense de Riga, et aussi par l’intervention opportune, au Sud de Pernov, de contingens de la défense que l’assaillant croyait avoir écartés. Il y avait eu aussi des circonstances atmosphériques, — une brume épaisse et prolongée, — plus favorables à la défense qu’à l’attaque. Enfin, il semble que tous les mouvemens des Allemands n’aient pas été aussi exactement combinés qu’il est nécessaire dans ces délicates opérations mixtes. Nos adversaires ne sont pas infaillibles.

Toujours est-il que l’échec fut complet et marqué fâcheusement par la destruction du cuirassé Pommera et de quelques navires légers, tandis que le beau croiseur de combat Moltke, frère jumeau du célèbre Gœben, n’échappait qu’à grand’peine au même sort. Il y avait déjà dans la Baltique des sous-marins anglais habilement commandés.

La première hypothèse qui se présente à l’esprit pour qui, connaissant la ténacité allemande, se demande ce que fera cette année-ci l’escadre baltique de la Hoch see flotte, c’est donc celle d’une reprise de l’opération avortée, il y a huit ou neuf mois. Or, précisément, des correspondances récentes de Pétrograd, émanées de critiques militaires autorisés, faisaient prévoir