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par des attraits inattendus. Mais quoi ! Le nombre est le nombre, c’est-à-dire la plus grande des forces que l’on puisse mettre en jeu à la guerre ; et au demeurant, on peut être assuré que nos alliés ne seront pas pris au dépourvu. Ils progressent, ils perfectionnent, ils inventent tout comme les Allemands. Et nous aussi, je suppose.


Il y a enfin une dernière raison de « sortir » pour la Hoch see flotte : c’est dans le cas où la flotte anglaise, les flottes alliées, si l’on veut, entreprendraient sur la côte allemande, soit directement, du côté de la mer du Nord, soit indirectement, du côté de la Baltique, — et je n’ai pas besoin d’expliquer ce que j’entends ici par indirectement.

Dans l’une comme dans l’autre de ces hypothèses, il est clair que l’ennemi interviendrait aussitôt. Pour en douter un seul instant, il faudrait ne pas savoir que l’intangibilité de son littoral est un des dogmes où se complaît l’orgueil de l’Allemand, et qu’au surplus ses chefs militaires sont convaincus eux-mêmes de l’invulnérabilité que conférerait à leurs places maritimes l’action de la flotte, tandis que celle-ci, à son tour, verrait doubler sa force en s’appuyant sur les ouvrages de côte. Il s’en faut bien, en réalité, qu’une telle confiance soit justifiée ; mais, pour la thèse que j’expose, il suffit que cette confiance existe et, en fin de compte, on peut affirmer que, lorsque les Alliés le voudront réellement, il leur sera facile d’obtenir cette grande bataille navale après laquelle, pour des motifs que j’ai déjà exposés, il y a longtemps, ils ne soupirent peut-être pas autant qu’on le croit.


Donc, la flotte allemande sortira. Mais de quel côté ira-t-elle et quelle sorte d’opérations entreprendra-t-elle ?

Le choix n’est point indifférent, au moins dans la phase actuelle de la grande guerre. Il ne le deviendrait que dans la période ultime où, désespérant de l’issue définitive du conflit si légèrement provoqué, les dirigeans de l’Allemagne se diraient qu’après tout, perdue pour perdue, — car les Alliés en exigeraient la remise au traité de paix, — leur belle flotte serait assez utilement employée à détruire, dans une bataille rangée, n’importe où, le plus possible de cuirassés anglais.