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bras parabolique. Partout ailleurs, la géométrie est absente ; les profils ont la lourdeur des courbes empiriques ; et, si simple qu’il soit auprès de la complication des problèmes de guerre, ce problème de construction est encore trop vaste pour accommoder des formes analytiques sur lesquelles le géomètre exerce son raisonnement abstrait.


Combreux, 9 septembre.

Le gite d’hier était si médiocre que nous avions préféré la paille aux lits qui nous étaient offerts. Dans la paille même, il y avait de si déterminés ronfleurs, que vers deux heures du matin, je pris le parti de sortir et d’aller dormir au grand air, sous un arbre, côte à côte avec un des gardes d’écurie.

La lune cheminait à travers les branches de l’arbre, inondant les chaumes de sa clarté fraîche, nous baignant tous dans sa lumière. Puis le ciel pâlit, les coqs chantèrent, et sans qu’il fût besoin de frotter une allumette, je pus lire au cadran de ma montre : trois heures du matin. Les hommes s’appelaient les uns les autres dans les hangars voisins, une lanterne dansait derrière la barrière clayonnée : c’étaient les va-et-vient du réveil et les premiers préparatifs du départ.

Les ablutions matinales ensuite, la bonne réaction reposante que détermine dans le corps las l’eau fraîchement tirée du puits. A quatre heures, le pied à l’étrier. A cinq heures, nous nous emboîtions à notre place dans la lente colonne d’infanterie. Nous manœuvrions avec elle jusqu’à deux heures après midi.

Le gîte du soir est fait pour nous consoler de celui de la veille. Il nous marque, par un de ces contrastes familiers à la vie militaire, qu’au château comme dans la chaumière nous sommes les hôtes bienvenus et, que n’appartenant en propre à aucune des couches sociales, mais bien à la nation tout entière, notre place indéterminée n’est nulle part, mais aussi elle est partout.

Le duc d’Esparre veut nous loger tous, — onze officiers, — dans le joli château posé sur son socle ancien, que des fossés pleins d’eau entourent, habités par une bande de cygnes ; il a fait préparer nos chambres. Nous y montons, rustres que nous sommes, brouillés avec le confort par quelques jours de vie dure, et d’autant plus sensibles au charme élégant de cette hospitalité.

Le valet de chambre me montre le jeu des boutons qui commandent à la lumière électrique, les robinets d’eau chaude et