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LA SORTIE DE LA FLOTTE ALLEMANDE

Il fut question de cette sortie, il y a quelque six semaines, au moment où la grande lutte sous Verdun battait son plein et cette coïncidence même donnait à penser. Le grand Etat-major allemand, qui sait employer la force navale à la poursuite de ses desseins, ne nous ménageait-il point quelque coup de revers au moyen duquel, troublant nos dispositions militaires et affolant la nation, — cette nation si impressionnable, tout bon Allemand le sait, — il faciliterait au Kronprinz l’assaut de la forteresse et la percée « nach Paris ? »

J’examinerai tout à l’beure ce cas particulier d’une question qui reste d’ailleurs pendante et dont l’intérêt ne fera qu’augmenter : « Que peut donc faire la flotte allemande ?... » Mais avant de se demander quelles sont les opérations que cette flotte pourrait en effet entreprendre, il convient sans doute d’établir les fortes raisons, les raisons impérieuses, peut-être, qui la pousseront à entreprendre quelque chose et à s’exposer aux coups redoutables de sa puissante rivale, la flotte anglaise.


L’empereur Guillaume et ses conseillers navals (il n’est pas dit que l’amiral von Tirpitz ne soit pas encore au nombre de ceux-ci) savent fort bien quelle est la supériorité des Home fleets britanniques sur leur Hoch see flotte, en dépit des unités neuves dont s’est renforcée cette dernière depuis vingt et un mois, en dépit même des nouveaux engins défensifs et offensifs, d’un type inconnu jusqu’ici, dont ils ne peuvent s’empêcher de menacer leurs adversaires. Il doit leur paraître bien difficile d’admettre qu’une bataille rangée puisse tourner en faveur de leurs escadres, à moins que les escadres anglaises n’acceptent cet engagement décisif dans des parages où, par suite de