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C’est elle, entre autres exploits, qui, peu à peu, obligea l’ancienne escadre allemande des mers de Chine et du Japon, après ses incursions et sévices sur les côtes occidentales de l’Amérique du Sud, à évacuer le Pacifique, à franchir le détroit de Magellan et à affronter, au sortir du détroit, à la hauteur des îles Falkland, l’escadre britannique du vice-amiral sir Frederick Sturdee. C’est dans cette rencontre que furent coulés, le 8 décembre 1914, le Scharnhorst, le Gneisenau, le Nürnberg et le Leipzig.

En Europe même, le Japon s’est associé aux actes et résolutions des Alliés. Il a adhéré au pacte de Londres du 4 septembre 1914, par lequel les Alliés se sont engagés à ne pas conclure de paix séparée et à ne poser aucune condition de paix sans accord préalable avec chacune des autres Puissances alliées. Il a pris acte de l’adhésion ultérieure de l’Italie à cette même déclaration. Il a enregistré et ratifié, en ce qui le concernait, les déclarations faites par les Puissances alliées au sujet de la Belgique et de la Serbie.

Il a enfin, avec une loyauté, une énergie, une constance et une efficacité auxquelles tous les autres Alliés ont rendu hommage, fourni au Gouvernement russe, surtout pendant la période qui a suivi la campagne de Pologne, le matériel de guerre, les munitions, les effets d’habillement et d’équipement, les vivres dont il pouvait disposer, ou qu’en hâte il construisait, fabriquait, recueillait et expédiait à destination de la grande armée alliée. Le Japon est devenu une vaste usine, un chantier de construction, un énorme magasin d’approvisionnement pour la Russie. L’immense stock ainsi préparé a été régulièrement et sans répit acheminé vers Pétrograd et Moscou par la voie du Transsibérien, qui a été, dans cette guerre, la grande artère des communications entre la Russie, le Japon et les Etats-Unis, le débouché le plus assuré. Par la constitution, à l’arrière des armées russes, de ce centre si méthodiquement organisé de constant et infini ravitaillement, le Japon a rendu un service capital qui a permis, malgré la ruée violente des armées germaniques sur le front de Galicie et de Pologne, le ralliement et le redressement des armées russes, la préparation graduelle et sûre de leur nouvelle offensive. Sans être entré lui-même en ligne sur le front européen, le Japon a concouru ainsi à la grande lutte et a avancé l’heure de la décision finale.