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pénurie dans laquelle se trouva le Trésor chinois, par l’impossibilité d’improviser des ressources et l’urgence de pourvoir à la reconstitution et à l’entretien de la vie nationale, la question de Chine et de la Révolution chinoise se réduisit à être une question financière. C’était, pour l’Europe et les Puissances de l’Entente associées au Japon, l’occasion et la chance la plus sûre de prendre et d’assumer dans la direction des événemens le rôle décisif. La négociation d’un emprunt devint ainsi la grande affaire du nouveau gouvernement qui, aux mois de février et mars 1912, émana des savantes combinaisons élaborées entre la Cour, Yuan che kai, le président Sun yat sen et l’Assemblée de Nankin, c’est-à-dire de la République parlementaire dont la présidence fut dévolue provisoirement à Yuan. La négociation fut longue, elle passa par bien des péripéties et traverses. À une certaine date, le gouvernement des États-Unis, par un scrupule de doctrine de son nouveau président, M. Wilson, s’en retira. L’Allemagne ne manqua pas, selon son humeur coutumière et sa pratique constante, de créer, chemin faisant, mainte difficulté, maint embarras. Mais les Puissances de la Triple-Entente et le Japon dominaient et connaissaient trop la situation pour que le succès ne répondit pas à leurs communs efforts. L’emprunt fut enfin signé le 27 avril 1913, malgré l’opposition du Parlement chinois, et dans les conditions mêmes qui, longtemps débattues entre les négociateurs, tenaient compte des réserves faites par le Japon et la Russie concernant leurs intérêts spéciaux en Mandchourie.

Le premier stade de la Révolution chinoise, le plus difficile peut-être, était franchi. — Il n’avait pu l’être que par l’accord étroit, imperturbable, de la Triple-Entente et du Japon. La politique des alliances et ententes, l’instrument forgé par cette politique, avaient confirmé leur maîtrise. Dans ce premier essai, dans cette sorte de répétition générale, l’union de la France, de l’Angleterre, de la Russie et du Japon avait démontré ce qu’elle pouvait pour le règlement des questions de l’Asie orientale et de la Chine qui étaient, par origine et par destination, son but essentiel et son premier objet. — L’heure allait sonner maintenant où une tâche singulièrement plus vaste et plus rude allait lui être assignée, et où l’épreuve qu’elle allait subir relèverait aux plus hauts sommets de l’histoire, parmi les événemens faisant date dans les annales de l’humanité.