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Japon avec la Russie, de la Russie avec l’Angleterre. Elle avait, depuis longtemps déjà, depuis la guerre sino-japonaise, et par la bouche même de l’empereur Guillaume II, témoigné son déplaisir, sa mauvaise humeur à l’égard de la politique japonaise et du « péril jaune. » Que le Japon maintenant, après un accord avec la France, se réconciliât à fond avec la Russie, et que, par la conclusion de l’accord anglo-russe, il fût pour quelque chose dans la création si redoutée et désormais accomplie de la Triple-Entente, c’en était trop. L’Allemagne ne pouvait rien directement contre le Japon, inaccessible dans ses îles et que protégeaient, outre son armée et sa flotte, ses accorda mêmes avec les Puissances de la Triple-Entente. Mais elle pouvait lui susciter des difficultés, des obstacles, indisposer et soulever contre lui, contre sa politique d’expansion, contre ses ambitions économiques, la Chine, les États-Unis. Elle pouvait tenter d’exciter la défiance même et les ombrages, soit de la Russie où les inquiétudes du parti militaire n’étaient qu’assoupies, soit de l’Angleterre qui, dans certaines régions de Chine, se voyait supplantée ou menacée par les progrès du commerce et de l’industrie de son allié.

L’Allemagne excelle dans ces campagnes et travaux de sape, de mine et d’intrigue. Elle n’eut pas de peine à alarmer la Chine, toujours à l’affût du danger japonais. Elle soudoya, dans la presse, l’opinion et les partis des divers pays intéressés, des organes, des voix, des « meetings » pour dénoncer les empiétemens du Japon en Mandchourie, dans la vallée du Yang-tse, dans toutes les provinces chinoises. Il est probable qu’elle ne fut pas sans quelque influence sur la proposition que fit, à la fin de 1909, le secrétaire d’État des États-Unis, M. Knox, et qui consistait à internationaliser les grandes voies ferrées de Mandchourie, un syndicat devant se former parmi les capitalistes des États-Unis et de l’Europe pour racheter et exploiter lesdites lignes, et pour en construire de nouvelles. Elle-même, pour ne pas laisser le champ libre à la concurrence de ses rivaux, réclamait son admission dans de grandes entreprises qui, d’après des contrats parfaitement réguliers, avaient été conçues et formées sans elle, telles que les lignes de Hankeou à Canton et au Sse tch’ouan. Elle s’efforçait d’entretenir dans les colonies anglaises de Chine ou des régions voisines une animosité permanente contre l’infiltration japonaise, contre