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et la force d’un esprit formé à la double expérience de l’Orient et de l’Europe, qui sut, à l’heure fatidique, non seulement assurer l’action commune en Asie de son pays et des trois Puissances de l’Ouest les plus intéressées à la paix et à l’équilibre de l’Orient, mais, par sa collaboration à l’origine même et à l’œuvre de la Triple-Entente, préparer et réserver au Japon dans ce groupement la part et le rôle dont l’échéance était encore le secret de l’avenir.

La conclusion de l’accord franco-japonais, puis de l’accord russo-japonais, enfin de l’entente anglo-russe, fut saluée à Tokyo par de grandes fêtes populaires qui marquèrent, en même temps que l’enthousiasme de la nation pour une politique répondant à ses aspirations, le sens aigu et affiné qu’elle avait de ses propres intérêts et destinées. Le peuple japonais éprouvait et pressentait, comme ses hommes d’Etat, que sa mission en Asie, comme dans le reste du monde, ne pouvait s’accomplir que d’accord avec l’Europe, et qu’en Europe, c’est aux Puissances de la Triple-Entente qu’elle devait naturellement s’associer et s’allier. — La presse japonaise et ses grandes revues périodiques, si spécialement dédiées à l’étude et à l’enseignement des questions diplomatiques, n’ont cessé d’orienter la nation dans ce sens et sur la grande voie où ses intérêts, ses sympathies, son sur instinct même l’engageaient.

Quant à la base sur laquelle se fondaient, après l’alliance anglo-japonaise, les accords avec la France et la Russie, elle n’était autre, remarquons-le, que celle même sur laquelle reposait la politique franco-russe de 1895 : à savoir le maintien de l’indépendance et de l’intégrité de la Chine, la préservation du statu quo, et de l’équilibre de l’Asie orientale. C’est la même devise inscrite au préambule des divers traités de l’alliance anglo-japonaise, et dans le texte des accords avec la France et la Russie. Le Japon s’était ainsi rallié, comme les Puissances de la Triple-Entente, à cette politique de conservation et de garantie qui, appliquée depuis 1856 à l’Empire ottoman, avait, sinon résolu, du moins atténué et en tout cas ajourné pendant une période de plus d’un demi-siècle la crise de l’Orient musulman. La différence entre la politique adoptée à l’égard de la Chine et le régime appliqué à la Turquie, c’est que, tandis que la Turquie était elle-même partie contractante au traité de Paris, les accords relatifs à l’intégrité et à l’indépendance de