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de la lutte, n’en gardaient, avec une mutuelle estime, un égal respect l’un pour l’autre, qu’une conviction, désormais bien ancrée en eux, c’est que l’Asie orientale avait assez de place pour tous deux, c’est que leurs destinées n’étaient pas hostiles et qu’au contraire une même tâche leur était dévolue, c’est que non seulement la paix, mais l’entente s’imposait à leurs communs efforts. Leurs alliés, la Grande-Bretagne et la France, partageaient le même sentiment et s’arrêtaient aux mêmes conclusions. La diplomatie de l’alliance anglo-japonaise et de l’alliance franco-russe se mit à l’œuvre.

Le Cabinet français présidé par M. Georges Clemenceau, avec M. Stephen Pichon comme ministre des Affaires étrangères, le Gouvernement russe avec MM. Stolypine et Iswolsky, le Cabinet anglais avec M. Asquith et sir Edward Grey, le Gouvernement japonais présidé par le marquis Saionji avec le vicomte Hayashi comme ministre des Affaires étrangères firent bonne et prompte besogne. Moins de deux ans après le traité de Portsmouth, une succession ininterrompue de conventions, d’arrangemens et d’accords avait non seulement substitué à l’ancienne rivalité du Japon et de la Russie, ainsi que de la Russie et de la Grande-Bretagne, une charte de complète entente dans toutes les questions d’Asie, mais d’une façon plus générale, et par la juste interprétation ou application de cette entente, établi entre l’alliance anglo-japonaise et l’alliance franco-russe de tels liens que ce n’était plus dans la seule Asie, mais en Europe et dans le monde entier que les rapports et l’action politique des trois grands Etals européens et du Japon lui-même, se trouvaient modifiés et transformés. En trois mois, du 10 juin au 31 août 1907, par l’arrangement franco-japonais signé à Paris le 10 juin, par l’accord russo-japonais signé à Saint-Pétersbourg le 30 juillet, par la convention anglo-russe signée dans cette même ville de Saint-Pétersbourg le 31 août, tandis que la France, l’Angleterre et la Russie achevaient de déterminer les conditions d’ajustement et d’union de leur politique commune avec celle du Japon dans l’Asie orientale, principalement vis-à-vis de la Chine, les trois grandes Puissances de l’Ouest se rapprochaient définitivement entre elles. C’est en Asie, par les heureuses accordailles, ou mieux par la conjugaison de l’alliance anglo-japonaise et de l’alliance franco-russe, qu’est née la Triple-Entente. Le Japon a ainsi sa part, sa grande part dans l’origine