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Russie en Orient et dans toute l’Asie, en Chine, aux Indes, au Thibet. C’est dans cet esprit que fut d’abord conclue l’alliance anglo-japonaise dont le but, la portée et les effets devaient au reste subir, avant même d’être renouvelée, de profondes et significatives transformations. A cette heure, toutefois, et comme contre-partie au traité russo-chinois de 1896, elle était et ne pouvait être qu’un instrument, une arme contre la politique russe en Extrême-Orient.

Cette politique n’ayant pu, surtout depuis l’installation de la Russie à Port-Arthur (1898) et depuis l’occupation de la Mandchourie par les troupes russes après l’insurrection des Boxeurs (1900-1902), se concilier avec celle que le Japon considérait comme nécessaire pour la préservation de ses intérêts en Corée et dans la mer baignant ses côtes occidentales, un conflit devenait menaçant. Les négociations qui s’engagèrent à la fin de 1903 entre les Cabinets de Tokyo et de Saint-Pétersbourg parurent un instant pouvoir le conjurer. Mais l’opposition entre les deux thèses, les deux tendances adverses, était trop forte, les passions s’étaient, de part et d’autre, trop exaltées. La guerre éclata subitement au mois de février 1904 et se prolongea jusqu’à l’été de 1905.

L’heureuse intelligence entre les alliés respectifs du Japon et de la Russie, entre l’Angleterre et la France, que venaient fort opportunément de rapprocher et d’unir, au mois d’avril 1904, les liens de « l’entente cordiale, » limita le théâtre de la guerre. La bienfaisante médiation du président Roosevelt et la sagesse des deux adversaires en abrégèrent la durée. Le traité de Portsmouth, signé sous les auspices du gouvernement des Etats-Unis le 5 septembre 1905, n’allait pas seulement réconcilier les deux ennemis de la veille. Il allait ouvrir entre eux, dans la situation générale de l’Extrême-Orient, dans les rapports entre le Japon, la Chine et les Puissances de l’Ouest une ère nouvelle. Il marque à cet égard une date capitale dans l’histoire de l’Europe et de l’Asie et de tout le monde civilisé.


IV

La tempête, dont les derniers éclats venaient de s’éteindre, avait dégagé et purifié l’atmosphère. La clarté réapparaissait dans le ciel du lointain Orient. Les deux adversaires, au lendemain